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Cotisation spéciale sur commissions secrètes : le grand chambardement !
En synthèse, il s’agit d’une forme de surtaxe à 300 % (1), qui frappait certaines dépenses injustifiées à l’impôt des sociétés, à savoir principalement les commissions, honoraires et autres émoluments, lesquels doivent normalement être justifiés par l’établissement d’une fiche fiscale, mais également les bénéfices dissimulés qui ne se retrouvent pas parmi les éléments du patrimoine de la société.
Cette cotisation était censée compenser la perte que constitue, pour le Trésor public, les impôts et cotisations sociales éludés par le contribuable (dissimulation de bénéfices) ou le destinataire des revenus (dépenses non justifiées par fiches), dès lors qu’en l’absence de fiche fiscale, ce dernier peut tenter (ou être tenté) d’échapper à l’impôt. Bien que déductible à l’impôt des sociétés, la cotisation spéciale n’induisait pas moins un impact financier très important pour la société à qui elle était réclamée.
Quid de son caractère ?
Des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées, parmi les Cours et Tribunaux, pour considérer que cette cotisation spéciale, en raison de son taux exorbitant, présente le caractère d’une sanction pénale, ce qui offrirait aux juridictions le droit de la réduire ou d’en écarter l’application.
Pour certains magistrats, le caractère pénal de la cotisation spéciale devrait s’apprécier au retard des taux effectifs d’imposition, seule la partie excédentaire de la cotisation pouvant faire l’objet d’une réduction, en fonction des circonstances de la cause.
Pour d’autres encore, la cotisation spéciale ne présente qu’un caractère indemnitaire et il ne leur appartient donc pas de la réduire ou de la remettre.
De son côté, l’administration fiscale a maintes fois revu, ces dernières années, les modalités d’application de la cotisation spéciale sur commissions secrètes, tantôt en vue de faire preuve, à l’égard des contribuables concernés, d’une certaine mansuétude, tantôt pour durcir le ton à leur égard, tant et si bien que nombreux sont les professionnels du chiffre qui ne savaient plus à quel saint se vouer. Une loi de 2013 a également apporté son grain de sel à la discussion, en permettant au contribuable d’échapper à la cotisation spéciale, en cas de taxation effective du bénéficiaire des revenus non repris initialement sur une fiche.
Fin de la cacophonie ?
Il résultait de tout cela une certaine cacophonie, à laquelle le gouvernement Michel a, du mois l’espère-t-il, mis un terme, en insérant dans la loi-programme du 19 décembre 2014 une énième modification des conditions d’application de la cotisation spéciale sur commissions secrètes.
Le nouveau régime s’applique immédiatement à tous les dossiers en cours, qu’il s’agisse de réclamations fiscales ou de recours judiciaires, pour autant – dans ce dernier cas – qu’il n’ait pas déjà donné lieu à une décision définitive coulée en force de chose jugée.
D'une part, les nouveautés portent sur les taux de la cotisation spéciale. En effet, il n’est plus question d’un taux unique de 300 %, mais bien de taux spécifiques :
- Le taux de base est ramené à 100 % (2) ;
- Le taux est réduit à 50 % (3), si le bénéficiaire des revenus (pour lesquels la fiche fiscale n’a pas été établie) est une personne morale belge ou étrangère ;
- Le taux est également réduit à 50 % (4), en cas de bénéfices dissimulés réintégrés dans la comptabilité d’un exercice ultérieur (5).
Il semble donc que les défenseurs de la thèse d’une sanction pénale aient été entendus et que leur souhait ait été exaucé.
D’autre part, les conditions d’application de la cotisation spéciale sur commissions secrètes ont été revues et la cotisation est désormais écartée :
- lorsque le bénéficiaire déclare en temps utile, en Belgique ou à l’étranger, les revenus non repris sur une fiche fiscale par le contribuable passible de la cotisation spéciale (6);
- lorsque le bénéficiaire de ces revenus est formellement identifié dans les deux ans et six mois à partir du 1er janvier de l’exercice d’imposition ( 7 ) ( 8 );
- lorsque les bénéfices dissimulés constituent le résultat d’un rejet de frais professionnels.
Parallèlement à l’assouplissement des conditions d’application de la cotisation spéciale sur commissions secrètes, le législateur a revu les règles de déduction, au titre de charges professionnelles, des revenus non déclarés et des bénéfices dissimulés.
En effet, les revenus non déclarés auxquelles s’applique effectivement la cotisation spéciale ne sont aujourd’hui fiscalement déductibles au titre de charges professionnelles qu’aux conditions habituelles, ce qui implique notamment la détention d’une pièce comptable justificative (ce qui ne sera, par exemple, jamais le cas pour des rémunérations payées « au noir »).
Par ailleurs, les bénéfices dissimulés qui, en vertu de la nouvelle législation, subissent effectivement la cotisation spéciale ne sont plus déductibles fiscalement.
Du fait des nouvelles règles, nous ne pouvons qu’espérer une diminution drastique du nombre de litiges, générant arriéré judiciaire et stress intense pour les contribuables concernés. Nul doute que l’application du nouveau texte sera suivie avec grande attention par les praticiens !
(4) Majoré de la contribution complémentaire de crise, le taux effectif est de 51,50 %.
(5) Même après expiration des délais d’imposition, mais pour autant que la réintégration intervienne avant que le contribuable soit informé de l’existence (avis de rectification, etc) ou de l’imminence (demande de renseignements, etc) d’un redressement fiscal.
(6) Dans ce cas, lesdits revenus sont fiscalement déductibles dans le chef du contribuable passible de la cotisation spéciale.
(7) Peu importe, à cet égard, qu’il soit effectivement taxé ou non sur le montant des revenus non correctement déclarés par le contribuable passible de la cotisation spéciale (alors que tel était une condition sine qua non sous l’ancien régime.
(8) Dans ce cas, les montants versés sont fiscalement déductibles dans le chef du contribuable passible de la cotisation spéciale.