Partager sur
Contributions directes : une réclamation ne doit plus nécessairement être signée pour être recevable !
Selon l'administration fiscale, pour être valable, la réclamation introduite par le contribuable auprès du directeur des contributions ne doit pas nécessairement être signée, pour autant qu’il ressorte avec certitude de la réclamation que celle-ci émane bien du contribuable, qu’elle est motivée et qu’elle a été introduite dans les délais légaux. Il s'ensuit que la réclamation peut également être régulièrement introduite par fax ou par courriel, dès lors qu'elle est bien réceptionnée par l'autorité compétente.
1. En matière de contributions directes, le recours administratif ou réclamation doit être introduit par écrit, par le redevable, le conjoint sur les biens duquel l'imposition est mise en recouvrement ou le mandataire de l'un ou de l'autre (article 366 du CIR/92).
La formalité du pli recommandé n'est pas obligatoire, mais elle est vivement conseillée afin que le contribuable puisse se ménager un moyen de preuve de l'envoi et de sa date. Par ailleurs, depuis le 29 août 2014, si la réclamation est introduite par lettre recommandée, la date du cachet de la poste figurant sur la preuve d'envoi vaut comme date d'introduction auprès de l'administration (article 371, al. 3 du CIR/92), ce qui permet d'éviter certaines situations délicates, par exemple en cas de retard de la poste.
Suivant la jurisprudence constante de la Cour de cassation (cf. Cass. 8 avril 1991, Pas., 1991, I, p. 719), le redevable doit motiver sa réclamation à peine d'irrecevabilité de celle-ci. Aussi, la réclamation doit-elle contenir "les arguments de droit et de fait invoqués par le redevable à l'appui de ses prétentions" (cf. Com.IR/92, n° 371/2). En, définitive, la motivation de la réclamation doit permettre au directeur d’instruire le litige fiscal, et cette motivation délimite sa compétence.
La question de savoir si la réclamation doit être signée a été, à de nombreuses reprises, débattue au cours de ces dernières années. Pendant longtemps, bien qu’elle ne soit pas imposée par la loi, la signature a été considérée comme un élément essentiel par la jurisprudence, qu'elle soit judiciaire ou administrative (cf. Com.IR/92, n° 366/28 et 375/16).
Certaines juridictions ont toutefois estimé que, dans certaines circonstances, une réclamation pouvait être valable, quoique non signée (cf. notamment, Anvers, 6 novembre 2012, rôle n° 2011/AR/3051). L'important était que la réclamation émanât de quelqu'un ayant la qualité pour réclamer. Par conséquent, la réclamation non signée ne devait pas être jugée irrecevable, s'il était ensuite confirmé qu'elle était envoyée par celui ayant qualité pour l'introduire. Cette confirmation pouvait être apportée même après l’expiration du délai légal de réclamation (cf. notamment Gand, 4 octobre 2011, rôle n° 2010/AR/1128), soit six mois à compter du troisième jour ouvrable suivant la date d'envoi de l'avertissement-extrait de rôle mentionnant le délai de réclamation ou la date de l'avis de cotisation ou de la perception des impôts perçus autrement que par rôle
Dans un arrêt de principe du 5 juin 2014 (rôle n° F.13.0117.N), la Cour de cassation a confirmé que la loi n’impose pas que la réclamation soit signée pour être valable, s’il apparaît qu’elle émane bien d’une personne ayant qualité pour l’introduire.
2. Dans une Circulaire du 3 février 2016 (AGFisc n°5/2016, n°Ci.704.063), l’administration a décidé de se rallier à l’enseignement précité de la Cour de cassation et elle a annoncé une adaptation du commentaire administratif. Pour être valable, la réclamation introduite par le contribuable auprès du directeur des contributions ne doit pas nécessairement être signée, pour autant qu’il ressorte avec certitude de la réclamation que celle-ci émane bien du contribuable, qu’elle est motivée et qu’elle a été introduite dans les délais légaux. Cette Circulaire est d'application immédiate et vise ainsi tous les litiges en cours.
La Circulaire précise que la certitude requise ne peut être que le fruit d’une appréciation en fait des mentions contenues dans la lettre de réclamation non signée et des conditions dans lesquelles cette lettre est parvenue au directeur régional compétent. L’administration pourrait demander à l’expéditeur l'envoi d'un original signé de la réclamation pour confirmer la notification et ce, dès sa réception. La réception de la pièce manuscrite originale, suite à cette demande, a uniquement trait à la confirmation de la signature et de l’identité du réclamant.
Le fait de ne plus exiger que l’écrit soit signé a également des conséquences sur la recevabilité de réclamations qui seraient introduites par d’autres moyens qu’un simple écrit envoyé par la poste, et principalement par télécopie, par courriel ou par tout autre moyen de communication numérique.
En vertu de l’article 2281 du Code civil, "lorsqu'une notification doit avoir lieu par écrit pour pouvoir être invoquée par celui qui l'a faite, une notification faite par télégramme, par télex, par télécopie, par courrier électronique ou par tout autre moyen de communication, qui se matérialise par un document écrit chez le destinataire, est également considérée comme une notification écrite. La notification est également considérée comme écrite si elle ne se matérialise pas par un document écrit chez le destinataire pour la seule raison que celui-ci utilise un autre mode de réception ".
Aussi, l’administration estime qu’une réclamation est recevable si elle a été envoyée (dans les délais et les formes requis) par un des moyens de télécommunication visés par l’article 2281 du Code civil, au directeur régional compétent, notamment à l’adresse e-mail de l’autorité administrative compétente ou à son numéro de télécopie (fax). Afin d’aider l’administration à vérifier que l’adresse mail de l’expéditeur est bien celle du contribuable, il est conseillé à chaque contribuable d’aller compléter son dossier sur le portail MyMinfin.
A cet égard, il convient de souligner que l’adresse e-mail de la direction régionale ne se retrouve pas, à l’heure actuelle, sur les avertissements-extraits de rôle adressés au contribuable par l’administration. Or, la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration impose que l’avertissement-extrait de rôle mentionne toutes les informations concernant les voies de recours, les formes et délais dans lesquels ils doivent être introduits et les informations relatives aux instances auprès desquelles ceux-ci doivent être intentés. L’absence de telles mentions implique que le délai de réclamation ne commence pas à courir. Qu'en est-il si l’adresse e-mail du directeur compétent fait défaut ? Selon nous, la forme des avertissements-extraits de rôle devrait probablement être adaptée et mentionner l’adresse e-mail de la direction régionale, compte tenu de la nouvelle approche administrative.
La notification est considérée comme valablement accomplie au moment de la réception d’un fax ou d’un e-mail par les services de l’entité administrative compétente. Par conséquent, la date de réception, par l’administration, de la réclamation, envoyée par mail ou par fax sera la date utile pour déterminer si la réclamation a ou non été introduite dans les délais légaux.
En conclusion, la Circulaire du 3 février 2016 assouplit notablement les conditions de recevabilité de la réclamation, tant au regard de la signature qu'en ce qui concerne les moyens mis en œuvre pour son envoi (fax ou courriel). Il reste que si l'on privilégie la prudence, on continuera à recommander au redevable d'envoyer sa réclamation signée par recommandé ou au moyen d'un e-mail revêtu de la signature électronique avec l’eID de son expéditeur, ce dernier étant assimilé à une réclamation signée par la Circulaire précitée.