Société de management

Mes Ludivine Loffet, Sabine Cornelis et Jean-Luc Wuidard, avocats au barreau de Liège

 

  1. DÉFINITION, AVANTAGES ET INCONVENIENTS

Une société de « management » est une expression utilisée pour désigner une société  dont l’objet social est de  réaliser des prestations de gestion ou de « management », y compris de consultance, pour le compte d’une ou de plusieurs  autre(s) société(s), moyennant rémunération. En d’autres termes, son objet social consiste en la participation active aux tâches de gestion d’autres entreprises.

 

Exercer une activité par le biais d’une société dite « de management »  est une alternative à l’exercice d’une activité indépendante sous forme individuelle. Elle est parfois aussi présentée, de manière inadéquate, comme une alternative à l’exercice d’une fonction salariée au profit d’un employeur.

 

Plutôt que de confier des tâches spécifiques à une personne physique agissant en tant que salarié ou de manière indépendante, l’idée est de confier de pareilles tâches à une société de management interposée par celle-ci, en vue de l’optimisation, notamment, de sa situation, celui-ci  adoptant ainsi un statut de dirigeant d’entreprise au sein de sa propre société.

 

 

1.1 Quelles tâches ?

 

La société de management peut réaliser divers types de tâches à décrire avec précision. Elle pourrait également intervenir comme déléguée à la gestion journalière, membre du conseil d’administration, mandataire spécial ou membre du comité de direction de la société d’exploitation.

 

Néanmoins, si la société de management est nommée administrateur, gérant ou membre du comité de direction de la société d’exploitation, elle devra veiller à respecter les dispositions de l’article 61, §2, du Code des Sociétés, lequel lui impose de désigner un représentant permanent, personne physique.

 

 

1.2. Avantages

 

La société de management est soumise à l’impôt des sociétés dont les taux d’imposition sont inférieurs à l’impôt des personnes physiques. Son gérant dispose de l’opportunité d’optimiser toutes les formes de rémunérations alternatives, d’optimiser leur timing, et de mettre en place l’octroi d’avantages en nature. Il faut cependant prendre en compte le coût fiscal supplémentaire auquel sera soumis le prélèvement ultérieur de sommes vers l’associé gérant personne physique (le précompte mobilier sur dividendes et intérêts, ou sur le boni de liquidation, etc.), sans perdre de vue les changements fréquents des règles fiscales dont il faudra moduler l’effet.

 

Il est donc indispensable de suivre de près les changements (trop) fréquents des dispositions fiscales concernées pour valider (ou non) le recours à l’interposition d’une société de management. Le recours à un avocat fiscaliste s’impose pour déterminer, au cas par cas, si la situation concernée, permet d’envisager de manière concrète l’optimalisation escomptée.

 

Nous mentionnons également (sans ici être exhaustif) :

 

  • la possibilité de contracter des engagements individuels de pension faiblement  imposés lors de la mise à la retraite (en respectant les limitations fiscales en vue d’assurer la déductibilité des primes dans le chef de la société) ;

 

  • dans certaines conditions, certaines sommes versées par la société à son gérant seront déductibles dans le chef de cette dernière et non taxées dans le chef du gérant à titre de remboursement de frais qu’il a réellement encourus pour le compte de la société ;

 

  • les « management fees » versés par la société d’exploitation à la société de management sont déductibles, pour autant qu’ils rencontrent les conditions posées par l’article 49 C.I.R. et notamment la réalisation de prestations effectives rémunérées dans des conditions normales de marché.

 

Lorsqu’une personne indépendante perçoit des revenus en direct, en tant que personne physique (sans interposer une société dite « de management »), les règles suivantes sont applicables à ses revenus :

 

  • l’impôt des personnes physiques atteint - dès que le revenu imposable net excède certains seuils - le taux marginal d’imposition des personnes physiques (actuellement 50%), auquel il y a encore lieu d’ajouter les additionnels communaux (ce qui porte généralement le taux effectif marginal à près de 54 %);

 

  • les cotisations sociales d’indépendant sont dues sur l’intégralité des revenus professionnels d’indépendant ; pour les revenus de 2017, celles-ci se calculent au taux de 21 % sur la partie du revenu professionnel net qui n'excède pas le 'plafond intermédiaire' de 57.415,67 EUR. La partie comprise entre 57.415,67 EUR et 84.612,53 EUR demeure soumise au taux de 14,16 %. Aucune cotisation n'est due sur la partie supérieure à 84.612,53 EUR.

 

 

L’on peut envisager de nommer, à titre de gérant ou d’administrateur délégué rémunéré de la société de management, l’associé unique de la société, et celui-ci choisira le niveau des rémunérations périodiques régulières (ou non) que la société de management lui attribue, de manière à en optimiser la forme, l’ampleur et le timing.

 

Le recours à la société de management permet donc – à condition que cela corresponde à la réalité et moyennant le respect de différentes conditions par l’ensemble des parties - de ne pas mettre en place ni une relation classique soumise au régime du contrat de travail, ni une relation directe entre un prestataire indépendant agissant en tant que personne physique et l’entité bénéficiaire des services. Elle représente, par ailleurs, une alternative à l’option de nommer directement la personne physique en tant que telle comme gérante ou administrateur de la société bénéficiaire de ses services.

 

 

1.3. Inconvénients

 

Tout d’abord, soulignons que le recours à une société de management, s’il constitue une alternative bien différente à une situation de travailleur salarié, ceci implique – comme lorsqu’on fait le choix d’effectuer ses prestations en tant qu’indépendant - que les parties ne se trouvent pas dans les liens d’un contrat de travail au sens  de la loi du 3 juillet 1978.

 

En effet, si la loi du 3 juillet 1978 est assez contraignante pour l’employeur, elle est également très protectrice à l’égard du travailleur. Or, étant indépendant, le dirigeant de la société de management devra faire le choix de ne pas  se prévaloir de la protection de cette législation. Ainsi, la loi sur la protection de la rémunération ne lui sera pas applicable, de sorte qu’en cas de faillite de la société à laquelle il rend ses services, il ne pourra invoquer aucun privilège semblable à ceux dont bénéficient les travailleurs salariés.

 

Le second aspect négatif lié au choix du recours à une société de management est le coût lié, d’une part, à la constitution de la société et, d’autre part, à son fonctionnement. Puisqu’elle assure la gestion d’une autre société, la société de management devra supporter certains frais de gestion. Elle est obligée, de tenir une comptabilité, et de respecter toutes obligations légales et comptables de toute société. Elle rentrera une déclaration à l’impôt des sociétés, ce qui suppose la tenue rigoureuse d’une comptabilité probante et des formalismes qui y sont attachés.

 

Enfin, un autre inconvénient qui peut être épinglé à ce stade est celui du coût fiscal lié à toute décision de faire sortir des sommes hors du patrimoine de la société de management au profit de son dirigeant. Ainsi, les revenus perçus par la société de management se voient en principe appliquer le taux d’imposition de 33,99 % (sauf application des taux réduits à l’impôt des sociétés dans certains cas). Si la société décide de distribuer des dividendes à son dirigeant, ces derniers seront soumis à un taux d’imposition sur les dividendes qui a été relevé au cours des dernières années passant d’un taux de précompte mobilier de 15% à 30 % depuis le 1er janvier 2017. Dans ce cas, l’avantage de l’assujettissement à l’impôt des sociétés est substantiellement moins marqué puisque le cumul du coût fiscal supporté par la société et son dirigeant peut, en cas de distribution intégrale sous forme de dividendes ordinaires, atteindre  53,79 % (soit 33,99 égal à 33,99% d’impôt des sociétés et 30 % de précompte mobilier sur 66 restants, soit 19,80).

 

 

1.4. Forme juridique à privilégier

 

Mieux vaut, tout d’abord, privilégier les formes de sociétés dotées de la personnalité juridique et dont les associés n’ont qu’une responsabilité limitée.

 

Le choix se retreint donc à la SA, la SPRL/SPRLU ou la SCRL. Dans la mesure où il n’y aura généralement qu’un seul associé, seule la forme de la SPRL offre le cadre juridique adéquat.

 

 

 

2. POINTS D’ATTENTION

 

2.1. Sur le plan juridique

 

Le plus grand soin doit être apporté à la sécurisation des relations entre la société de management et la société d’exploitation qui souhaite bénéficier des services de celle-ci.

 

La clarification de ces relations passe inévitablement par la rédaction de conventions précises et complètes qui serviront de base aux relations entre les parties (obligations respectives, durée, rémunérations, fin du contrat et indemnités éventuelles, clauses de  confidentialité et de non concurrence, etc.).

 

 

2.2. En matière fiscale

 

Tout d’abord, il convient d’analyser l’opportunité de la mise en place d’une société de management en prenant en compte :

 

- la situation individuelle de la personne concernée : selon ses besoins périodiques de faire face à son train de vie personnel, il peut apparaître qu’il ne sera pas possible de réaliser d’économies fiscales et sociales (en effet, l’optimalisation n’est envisageable que si les revenus générés par l’activité sont d’un niveau suffisant, supérieurs aux besoins financiers nets du gérant, de manière à permettre d’affecter la différence à une optimalisation choisie) ;

 

- il est indispensable que les sources de revenus présentent un degré suffisant de stabilité dans la durée (le recours efficace à une société de management ne se conçoit pas sans une perspective minimale de durée).    

 

Enfin, la question de la déductibilité des « management fees » versés par la société d’exploitation à la société de management est un autre élément essentiel à examiner pour évaluer la pertinence du recours à la mise en place d’une société de management.

 

Comme précisé plus haut, cette déductibilité est soumise au respect des conditions posées par l’article 49 du Code des impôts sur les revenus (avoir pour but d’acquérir ou de conserver des revenus). Ceci requiert notamment du contribuable la preuve de la réalité effective des prestations effectuées par la société de management. La société bénéficiaire des services de la société de management doit établir la réalité des frais qu’elle prétend avoir faits ou supportés pendant la période imposable ainsi que le montant de ces derniers, par le biais de documents probants.

 

C’est la raison pour laquelle il est recommandé de procéder à la rédaction d’un contrat de management, au sein duquel sont détaillées, de la manière la plus complète possible, les prestations réalisées par la société de management et la manière dont est fixée la contrepartie de celles-ci. A cet égard, il s’agira d’établir que les sommes versées au titre de rémunération des prestations de management ne sont pas excessives par rapport aux conditions du marché.

 

De même, les factures émises par la société de management vers la société d’exploitation seront libellées avec précision et le représentant permanent veillera à ne jamais signer en son nom propre mais pour le compte de la société qu’il représente.

 

 

2.3.  En matière sociale

S’il est vrai que la société de management permet, en principe, d’éviter l’existence d’un contrat de travail et, par conséquent, les dispositions parfois contraignantes de la législation sociale, il y a lieu d’avoir néanmoins égard au fait que la société de management ne peut être utilisée aux fins de dissimuler un contrat de faux indépendant.

 

Les juridictions du travail pourraient estimer qu’il y a simulation, en ce sens que le contrat de management n’est qu’un déguisement derrière lequel se trouve, en réalité, un lien de subordination et, partant, un contrat de travail.

 

A cet effet, il est déconseillé de prévoir, dans le chef du dirigeant de la société de management, un horaire à respecter dans le cadre de l’accomplissement des prestations de management, ou des obligations similaires à celles qui s’imposent aux travailleurs salariés.

 

La plus grande vigilance est  donc recommandée dans la qualification des conventions rédigées entre la société d’exploitation et la société de management.  

 

 

 

3. CONCLUSIONS

 

La création d’une société de management répond à divers objectifs et permet – dans certains cas - d’optimiser, d’une part, la situation tant fiscale que sociale d’un dirigeant personne physique mais aussi, d’autre part, son patrimoine professionnel. 

 

Le choix d’une telle mise en place est néanmoins délicat et nécessite le plus grand soin et le recours aux avis de conseils compétents. Ainsi, la mise en place de la structure et la rédaction d’un contrat de management reste un exercice périlleux.

 

Mieux vaut dès lors s’adjoindre les conseils d’avocats spécialisés en ces matières et bénéficier de leur expérience dans le domaine afin d’éviter tout risque de conflits, que ce soit avec les clients de la société de management, ou avec les administrations sociales ou fiscales.  

 

 

(Rédaction sur base des textes en vigueur au 1er mars 2017).

 

Mars 2017