La dissolution par la modification unilatérale des conditions de travail
Me Frédéric Henry, avocat au barreau de Liège
Nature
Sur la base du rapport hiérarchique qui caractérise le contrat de travail, l’employeur dispose du droit, de modifier unilatéralement les conditions de travail du travailleur (ius variandi) (voy. par ailleurs notre section consacrée à la problématique).
Lorsque l’employeur dépasse manifestement le ius variendi dont il dispose en modifiant de manière importante les conditions de travail d’un travailleur, ce dernier dispose du droit d’invoquer un acte équipollent à rupture et de constater la rupture des relations de travail.
Il n’est alors pas nécessaire, pour le travailleur, de démontrer que l’employeur avait la volonté de mettre fin au contrat de travail.
Conditions
Il est question de modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat de travail permettant à un travailleur d’invoquer la rupture immédiate du contrat de travail ensuite d’un acte équipollent à rupture lorsque la modification des conditions de travail est :
- Certaine et effective : ainsi, une modification qui n’est pas encore effective ne peut servir de fondement à un acte équipollent à rupture sauf si la modification fait l’objet d’une annonce ferme et irrévocable de la part de l’employeur. La Cour de Cassation considère qu’une modification temporaire peut également suffire à entrainer la dissolution du contrat de travail.
- Unilatérale : Il n’y a en effet pas acte équipollent à rupture si le travailleur accepte, même tacitement (par exemple en exécutant son contrat de travail malgré le changement des conditions de travail durant une certaine période de temps), la modification de ses conditions de travail.
- Porte sur un élément essentiel du contrat de travail : la modification d’un élément accessoire s’inscrit en effet dans le cadre du ius variendi de l’employeur et est donc autorisée juridiquement. La jurisprudence considère principalement les éléments du contrat de travail suivants comme des éléments essentiels :
- les responsabilités et la position hiérarchique qui sont liées à la fonction du travailleur,
- sa rémunération,
- son horaire,
- son lieu de travail.
- Importante : une légère modification des conditions essentielles (par exemple, du lieu de travail) ne suffisant pas à entrainer un acte équipollent à rupture.
La frontière entre les éléments essentiels et accessoires de même qu’entre les modifications importantes ou limitée est, en pratique, délicate à tracer de sorte qu’il est prudent de consulter la nombreuse jurisprudence relative à l’acte équipollent à rupture avant de se risquer à invoquer une telle rupture.
Contrairement à la règle générale en matière d’obligations, une mise en demeure n’est pas obligatoire avant la constatation de l’acte équipollent à rupture même si, dans la plupart des cas, une telle mise en demeure pourra avoir l’avantage de s’assurer du caractère certain de la modification.
Effets
L’acte équipollent à rupture peut aussi bien être constaté par le travailleur que par l’employeur.
Le constat de rupture entraine la cessation de la relation de travail et, par conséquent, l’extinction de la relation des parties. La partie qui a invoqué la rupture réclamera alors à l’autre, le plus souvent en justice, une indemnité de rupture.
Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation souverain pour déterminer si les conditions de l’acte équipollent à rupture étaient ou non effectivement remplies. Si tel est le cas, la partie coupable de l’acte équipollent à rupture sera condamnée à verser une indemnité compensatoire de préavis à l’autre partie.
Dans la négative, le constat posé à tort par une des parties en fera le responsable de la rupture et donc le débiteur d’une indemnité de rupture.
Septembre 2012