Quand le professionnel du chiffre est-il responsable face à un client qui a des difficultés financières ? Que doit-il faire ?

Maîtres Violaine Devyver et Jean-Paul Tasset, avocats au barreau de Liège

Désormais, le professionnel du chiffre[1], qui constate au cours de sa mission des faits graves et concordants susceptibles de compromettre la continuité de l'entreprise dans les 12 mois qui suivent, doit agir. Brève analyse de la « Recommandation Inter-Instituts » (M.B. 8 juin 2016)[2]

Quels faits le professionnel doit-il prendre en compte ?

Les faits considérés comme mettant en péril la continuité d’une entreprise sont par exemple :

  • le retard de payement des cotisations sociales ou de la TVA de plus d’un trimestre;
     
  • les jugements par défaut ou contradictoires, mais sans contestation du principal;
     
  • le non-respect de la procédure de la sonnette d’alarme;
     
  • l’évolution défavorable de la structure financière et de la rentabilité (capitaux propres négatifs, cashflow négatif, ratio financier défavorable);
     
  • les difficultés à assurer la disponibilité des moyens de financement (incapacité à payer les créanciers à échéance, difficultés de se conformer aux conditions des contrats de prêt, etc);
     
  • la situation financière difficile de la société-mère;
     
  • des problèmes de renouvellement d’un permis d’exploitation;
     

Que doit faire le professionnel ?

Il doit informer son client de manière circonstanciée (de préférence par écrit) en reprenant :

  • un renvoi à l'article 10, alinéa 5, de la LCE;
     
  • une énumération des faits graves et concordants constatés et qui sont susceptibles de compromettre la continuité;
     
  • une déclaration que les faits énumérés ne constituent pas une liste exhaustive de tous les faits susceptibles de compromettre la continuité de l’entreprise et que sont seulement repris les faits dont le professionnel a eu connaissance à la date de sa communication;
     
  • une demande, dans un délai d’un mois après l’envoi, de prendre des mesures de redressement adaptées pour garantir la continuité de l’entreprise pendant une période d’au moins douze mois.
     

Le professionnel peut également dénoncer cette situation au tribunal de commerce (l’article 458 du Code pénal, relatif au secret professionnel, n’est pas applicable).

Quelles sanctions ?

Peu importe la mission, habituelle ou ponctuelle, ou même si sa mission a pris fin, le professionnel du chiffre doit agir dès qu’il constate des difficultés.

A défaut, l’entreprise en difficulté ou un tiers intéressé (comme le curateur ou le liquidateur) pourraient engager la responsabilité civile des professionnels du chiffre.

De même, les différents organes de l’IRE, de l’IEC ou de l’IPCF pourraient également appliquer des sanctions disciplinaires.

Attention, le simple fait que le professionnel du chiffre soit resté sans nouvelle de son client, ou que ce dernier n’ait pas répondu à ses questions ou encore le fait de n’avoir pas été payé, ne lui permettra pas d’éviter une sanction ou une poursuite devant une juridiction.

Le professionnel du chiffre risque désormais de voir sa responsabilité engagée dès que des difficultés financières apparaissent chez son client.

 

[1] L'expert-comptable externe, le conseil fiscal externe, le comptable agréé externe, le comptable-fiscaliste agréé externe et le réviseur d'entreprises.

[2] Recommandation inter-instituts concernant les missions qui incombent au réviseur d’entreprises, à l’expert-comptable externe, au conseil fiscal externe, au comptable agréé externe ou au comptable-fiscaliste agréé externe dans le cadre de l’article 10, alinéa 5, de l'article 12, § 1, alinéa 5, et de l'article 17, §2, 5° et 6°, de la loi relative à la continuité des entreprises.