Précompte mobilier 2016 : le meilleur ami de l’homme est son fiscaliste

Mes Jean-Luc Wuidard et Xavier Defoy, avocats

Le Parlement fédéral, fidèle à la tradition, nous a gratifié fin décembre 2015 d’une nouvelle loi fiscale. Plus médiatique que jamais, la loi du 26 décembre 2015  s’intègre comme l’une des multiples phases du « Tax Shift » au cœur de nos débats fiscaux.  Fidèle elle aussi à la tradition des lois fiscales de fin d’année, celle-ci modifie une fois encore notre système fiscal, pourtant déjà si peu lisible pour le contribuable lambda. Parmi les modifications opérées, le précompte mobilier tient à nouveau une place de choix, connaissant désormais des taux allant de 1,6995% à 33%.

Comme l’a écrit Romain Gary, double lauréat du Prix Goncourt : «l’incompréhension va toujours plus loin que tout le savoir, plus loin que le génie, et c’est toujours elle qui a le dernier mot».  Nous tenterons ci-après de donner tort à ce génie de l’écriture et de fournir aux courageux qui nous lisent un aperçu rapide des taux de précompte mobilier désormais en vigueur depuis le 1er janvier 2016.

Quoi de neuf ?

Le taux de principe du précompte mobilier, applicable aux revenus de capitaux et de biens mobiliers à savoir les dividendes et boni de liquidation, les intérêts et les redevances (sauf les exceptions prévues par la loi), qui était encore de 25% jusque fin 2015, passe désormais à 27% pour les revenus payés ou attribués à partir du 1er janvier 2016.

Un autre changement notable, abondamment commenté dans la presse, est l’introduction d’une taxe sur la spéculation mise en place par le biais d’un précompte mobilier de 33% applicable aux plus-values sur les actions cotées en bourse et assimilées en cas de revente dans les 6 mois qui suivent leur acquisition.

Un peu de stabilité ?

En revanche, le taux de 15% reste inchangé pour les intérêts des bons « Leterme », les intérêts de dépôts d’épargne (supérieurs à la première tranche exonérée de 1.880 €), les revenus de la cession ou concession de droits d’auteur ou droits voisins et les dividendes d’actions « VVPRbis » (c’est-à-dire les actions obtenues lors d’augmentations de capital par apport en numéraire réalisées à partir du 1er juillet 2013 et respectant les conditions de l’article 269, §2 CIR92). Dans ce dernier cas, le taux est de 15% ou 20% selon que les dividendes « VVPRbis » sont alloués ou distribués lors du deuxième exercice comptable qui suit l’apport ou plus tard.

De l’ancien dans du neuf, du neuf dans l’ancien : vous suivez toujours ?

Avant le « Tax shift », les dividendes attribués ou payés en diminuant la réserve de liquidation spéciale (mécanisme permettant aux sociétés de distribuer, à terme, leurs réserves taxées moyennant un prélèvement d’une cotisation distincte à l’impôt des sociétés de 10% seulement, complété éventuellement d’un précompte de 5%) étaient frappés d’un précompte de 5% ou 15% selon que la partie des réserves diminuées en cause avait été conservée plus de 5 ans ou moins de 5 ans. Suite au « Tax Shift », le taux de 5% est maintenu mais le taux de 15% devient un taux de 17%.

En ce qui concerne les taux de précompte mobilier applicables selon les délais de deux ou quatre années aux opérations de réduction de capital imputées sur des augmentations de capital antérieures au relèvement du précompte mobilier sur boni de liquidation à 25 % (antérieures au 1er octobre 2014) (opérations de type « art. 537 CIR »), l’ancien taux de 15 % est relevé à 17 % alors que le taux de 5 % reste inchangé (comprenne qui pourra !).

Taux de 1,6995%  pour les sociétés non résidentes de l’UE : compliqué tout cela ? hélas, oui…

Un nouveau taux, applicable aux sociétés non résidentes, a été introduit non pas par la loi «Tax Shift» mais par une loi du 18 décembre 2015, et il ne figure pas en tant que tel dans la loi mais résulte de l’expression « 5 p.c. du taux visé à l'article 215, alinéa 1er, augmenté de la contribution complémentaire de crise visée à l'article 463bis » (art 269/1 CIR92). Il fut adopté en réponse à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dit arrêt Tate & Lyle, lequel condamnait la Belgique pour entrave à la libre circulation des capitaux.

Le régime des revenus définitivement taxés (RDT) permet à une société résidente belge de n’être imposée sur des dividendes ayant déjà subi un impôt des sociétés dans un autre Etat membre de l’espace économique européen que sur 5% de ces dividendes. En raison de la non-imputation et du non remboursement du précompte mobilier de 25 % dans le chef de ces sociétés non résidentes, ceci créait une discrimination dans le chef des sociétés non résidentes, raison de la condamnation de la  Belgique par la CJUE. Or, dans le même cas de figure, les sociétés belges ne subissent sur leurs dividendes reçus qu’un taux effectif d’imposition de 1,6995% ; c’est la raison pour laquelle les sociétés étrangères remplissant les conditions pour bénéficier du régime des RDT seront désormais soumises à un précompte mobilier fixé à ce taux.

Conclusion

Nous n’avons tenté d’illustrer de manière simplifiée que les hypothèses de précompte mobilier les plus courantes, et déjà le poids de la technicité se fait sentir. Les acteurs du monde de l’entreprise sont nécessairement confrontés à ces nouveaux taux, et dans cette optique, nous ne pouvons que leur conseiller de se lier d’une profonde amitié avec une personne qui pourrait bien leur éviter les conséquences désagréables d’une mauvaise compréhension des règles du précompte mobilier : un bon avocat fiscaliste !