La réforme de l’impôt des sociétés de la loi du 25 décembre 2017 - Première partie : les «bonnes» nouvelles pour les sociétés contribuables

Elle comporte plusieurs «bonnes nouvelles » pour les entreprises, mais aussi différentes mesures compensatoires qui nécessitent d’être prises en considération. Sous couvert de ce bref exercice de synthèse, nous nous concentrerons sur l’essentiel des mesures aboutissant à des effets de diminution de la charge fiscale, et traiterons, sous un second article, les « moins bonnes nouvelles » que constituent ces mesures compensatoires décidées par le législateur.

Maître Jean-Luc Wuidard, avocat au barreau de Liège

Cette réforme était attendue depuis fort longtemps par le monde des entreprises et elle constituait un des objectifs du Gouvernement, compte-tenu des enjeux de compétitivité de la Belgique face aux taux d’imposition généralement nettement inférieurs qui sont en vigueur dans les pays avoisinants et au sein de la plupart des États de l’Union européenne.

La réforme a finalement été adoptée «au forceps», à l’image d’un accouchement difficile, à la fin de l’année 2017 alors que d’autres mesures fiscales qui y étaient liées ont été reportées à 2018 (l’on songe à la nouvelle mesure de taxation des comptes-titres, ou la défiscalisation de certains revenus complémentaires). Ironie du sort, la loi est datée du jour de la nativité, mais il est peu probable que cette naissance confère à ses auteurs un statut divin.

Abaissement des taux d’imposition

Le tableau suivant présente l’évolution des taux qui a été promulguée :

 

Année 2017

Cotisation de crise de 3 % comprise

2018

Cotisation de crise réduite à 2 %

2020

Cotisation de crise supprimée

Taux ordinaire

33,99%

29,58 %

25%

Taux PME (*)

0 € à 25.000 € : 24,98%

25.000 € à 90.000 € : 31,93%

90.000 € à 322.500 €: 35,54%

20,4% sur la 1ère tranche jusqu’à 100.000 € (29,58 % sur le surplus)

20% sur la 1ère tranche

jusqu’à 100.000 € (25 % sur le surplus)

Les conditions permettant à une société de bénéficier des taux réduits (« taux PME ») ont été modifiées en ce sens que ces sociétés devront répondre notamment aux exigences suivantes :

  1. d’une part, ne pas dépasser les limites prévues par l’article 15 §§1 à 6 du Code des Sociétés : celles-ci précisent que sont visées les entreprises qui ne dépassent pas plus de deux des trois critères suivants : a) chiffre d’affaires annuel inférieur à 9 millions d’euros, b) total du bilan inférieur à 4,5 millions d’euros et nombre moyen de personnel inférieur à 50 personnes ; et,
     
  2. d’autre part, la majorité des actions de la société doit être détenue par des personnes physiques ; et,
     
  3. la société doit allouer à au moins un de ses dirigeants personne physique une rémunération annuelle minimale de 45.000 euros (en cas de base imposable de la société inférieure à 45.000 euros, le montant de la rémunération minimale doit au moins atteindre 50 % de montant). Jusque fin 2017, ce montant était limité à 36.000 euros et ce relèvement suscite de nombreuses critiques.

Impact de l’abaissement des taux pour les associés selon les choix de stratégie fiscale

Cet abaissement des taux de l’impôt des sociétés va permettre d’améliorer de quelques pourcents le revenu net distribué sous forme de dividendes aux associés, malgré le taux de précompte mobilier de 30 % applicable aux dividendes ordinaires (en 2018, pour un revenu imposable de 100 obtenu par une société éligible aux taux réduits, le montant distribuable après ISOC (de 20,4 %) sera de 79,6, et après retenue du précompte mobilier de 30% sur 79,6 %, le dividende net pour l’actionnaire sera de 55,72 (79,6 – (30% de 79,6= soit 23,88).

Lorsque la société bénéficie d’un capital éligible en tout ou en partie au régime  dit « V.V.P.R.bis » et que toutes les conditions sont réunies pour l’application du taux de précompte mobilier sur dividendes de 15 %, le rendement net après impôt des sociétés et après précompte mobilier s’améliore [après retenue du précompte mobilier de 15% sur 79,6 %, le dividende net pour l’actionnaire sera de 67,66 (79,6 – (15% de 79,6= soit 11,94).

Enfin, il va de soi que l’abaissement du taux de l’ISOC améliore également le rendement net des montants revenant aux associés ou actionnaires, lorsque l’on a procédé à des affectations successives des résultats annuels après impôt à la réserve de liquidation (moyennant paiement immédiat d’une taxe de 10%) ; en effet, dans ce cas de figure, lors de la liquidation,  le rendement net non actualisé pourrait atteindre 71, 64 % en 2018 et 72 % dès 2020.

Plus que jamais, les PME devront opérer les choix stratégiques judicieux quant à leur structuration et leur politique d’affectation des résultats en vue d’optimiser leur situation et celle de leurs dirigeants et associés.

Autres mesures fiscales en impôt des sociétés réduisant la charge fiscale

En bref, nous mentionnerons, sans être exhaustifs dans cette brève lettre d’information,  les éléments suivants :

  • la déduction pour « revenus définitivement taxés » (« R.D.T ».) passe de 95 à 100 %, ce qui élimine la charge fiscale consécutive à la remontée de dividendes d’une société liée vers une société « holding » détentrice des actions remplissant les conditions prévues pour en bénéficier;
     
  • les investissements en biens neufs réalisés par les sociétés PME bénéficient désormais d’une déduction pour investissement de 20 % (au lieu de 8% en 2017) ; ainsi, à titre d’illustration pour l’exercice comptable 2018, en cas d’un investissement en biens neufs réalisé dans les conditions posées par la loi  d’un montant de 100.000 euros, la société bénéficie d’une réduction de la charge fiscale d’un montant de 4.080 euros (100.000 € x 20 % = 20.000 € x 20,4% = 4.080 €).

Après cette nouvelle réforme fiscale, la mise à jour de la stratégie fiscale de l’entreprise est plus que jamais recommandée. Les « bonnes nouvelles » ci-dessus doivent cependant être tempérées par la prise en considération des mesures compensatoires qui ont été adoptées simultanément que nous détaillons distinctement dans une seconde partie.  En guise de conclusion provisoire, nous reprendrons cette citation que l’on doit à Henry De Montherland : « En annonçant de bonnes nouvelles, on se rend aimable. En annonçant de mauvaises, on se rend important : choisissez. »