La loi sur l’information précontractuelle a dix ans… Mais finalement, qui est concerné ? (2eme partie)

Me Marc Geron, avocat au Barreau de Liège-Huy

Dans la première partie, nous avons vu les difficultés d’application qu’entraînait la définition donnée par le législateur de 2005 sur l’accord de partenariat commercial et les modifications qui ont été apportées à la définition en 2014 sur base des avis donnés par la Commission d’Arbitrage.

L’accord de partenariat commercial est désormais défini par l’article 1.11.2. du livre I du Code de Droit Economique (dispositions relatives aux obligations d’information précontractuelle se trouvant dans le livre X) : il s’agit de l’« accord conclu entre plusieurs personnes, par lequel une de ces personnes octroie à l'autre le droit d'utiliser lors de la vente de produits ou de la fourniture de services, une formule commerciale sous une ou plusieurs des formes suivantes : une enseigne commune, un nom commercial commun, un transfert d'un savoir-faire, une assistance commerciale ou technique ».

Quelle portée donner à la notion de formule commerciale ?

Si la nouvelle définition a pour objectif de remédier aux précédentes controverses, une nouvelle question surgit : pour que les obligations d’information précontractuelle s’imposent, suffit-il que l’on se trouve en présence d’une enseigne commune ou d’un nom commercial commun ou d’un transfert d'un savoir-faire, ou enfin d’une assistance commerciale ou technique ?  Cela aboutit à donner aux obligations d’information précontractuelle une portée très large. Ne faut-il pas donner au contraire à la notion de formule commerciale, une portée spécifique, outre qu’elle doit revêtir l’une des quatre formes énoncées ?

Un premier élément de réponse a été apporté par La Commission d’arbitrage. Dans son avis n°2014/14, la Commission d’arbitrage  se prononce ainsi en faveur d’une interprétation plus restrictive de la notion de formule commerciale, et donc du champ d’application de la loi : pour que les obligations d’information précontractuelle s’appliquent, il ne suffit pas de se trouver en présence uniquement d’une enseigne commune ou d’un nom commercial commun ou d’un transfert de savoir-faire ou d’une assistance commerciale et technique, mais il faut une véritable formule commerciale, qui peut prendre l’une des quatre formes énoncées par la loi.

La Commission est d’avis «qu’il est uniquement question de formule commerciale lorsque l’utilisation d’un concept d’exploitation commerciale est proposée, selon une série de normes d’exploitation commerciale».


L’avis de la Commission d’arbitrage n’est pas contraignant mais il rencontre un écho dans la doctrine. [1]

Cette interprétation de la notion de partenariat commercial nous paraît correspondre à la volonté du législateur de 2005 : elle évite d’imposer des obligations lourdes aux intervenants dans des situations que le législateur de 2005 n’a pas en vue (par exemple une simple assistance commerciale ou technique lors d’une fourniture de biens ou de services) et dans laquelle la ité du contrat pourrait être invoquée à mauvais escient par l’une des parties.

La formule commerciale doit exister sous l’une des quatre formes énoncées

De plus, la formule commerciale doit revêtir l’une des quatre formes suivantes : une enseigne commune, un nom commercial commun, un transfert d’un savoir-faire, une assistance commerciale ou technique. Ces quatre formes ne sont pas cumulatives, une seule suffit.

Mais quelles réalités recouvrent-elles ? Le législateur de 2005 ne les a pas définies. La Commission d’arbitrage s’est attachée à cerner ces notions dans son avis n°2014/14.

A. L’enseigne commune

La Commission renvoie à la doctrine qui la définit comme le signe placé sur la façade et qui identifie le fonds de commerce (notamment P. KILESTE et A. SOMERS, L’information précontractuelle dans le cadre d’accords de partenariat commercial, JT, 2006, p. 253 et suivantes).

Attention, pour que la loi s’applique, il faut que l’enseigne soit commune à la personne qui octroie le droit et à celle qui le reçoit.

B. Le nom commercial commun

Il s’agit du nom sous lequel l’entreprise exerce ses activités (P. KILESTE et A. SOMERS, op. cit., p. 253 et suivantes) et qui doit être commun à la personne qui octroie le droit et à celle qui le reçoit pour que la loi s’applique.

C. Le savoir-faire

La Commission d’arbitrage s’est référée au droit européen et plus particulièrement au règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010 d’exemption des accords verticaux qui donne une définition précise du savoir-faire : «un ensemble secret, substantiel et identifié d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du fournisseur et testées par celui-ci; dans ce contexte, "secret" signifie que le savoir-faire n'est pas généralement connu ou facilement accessible; "substantiel" se réfère au savoir-faire qui est significatif et utile à l'acheteur aux fins de l'utilisation, de la vente ou de la revente des biens ou des services contractuels; "identifié" signifie que le savoir-faire est décrit d'une façon suffisamment complète pour permettre de vérifier s'il remplit les conditions de secret et de substantialité».

D. L’assistance commerciale ou technique

La Cour d’appel de Liège, dans son arrêt du 27 juin 2013 (J.L.M.B. 2013, p. 1891), dit qu’il faut que l’assistance technique ou commerciale présente un caractère d’intensité et de continuité.

La Cour d’appel se réfère notamment à la continuité que doit présenter l’assistance technique ou commerciale telle qu’elle était prévue à l’article 1.3.b de l’ancien règlement  européen d’exemption à certaines catégories d’accord de franchise.

Quels contrats sont concernés ?

Finalement, à quel type de contrats habituellement conclus en matière de distribution commerciale les obligations précontractuelles prévues par le livre X du Code de Droit Economique s’imposent-elles ?

Quels sont les contrats susceptibles de répondre à la définition d’accord de partenariat commercial tel que défini par l’article I.11.2° du livre I du Code de Droit Economique ?

Ces questions appellent une réponse nuancée :

  • Il y a tout d’abord le contrat de franchise qui est sans aucun doute visé. 
     
  • Il y a ensuite les contrats qui sont potentiellement visés : on y retrouvera souvent, mais pas nécessairement, les éléments de définition de la formule commerciale. Il s’agit des contrats de concession, d’agence, de licence et d’affiliation. 
     
  • Enfin, pour certains contrats, l’application des dispositions sur l’information précontractuelle ne peut être par principe exclue, même si dans la majorité des cas, il n’y a pas de formule commerciale répondant à la définition de la loi. On pense par exemple aux contrats de brasserie, au courtage, à la location-gérance ou la gérance libre.

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 [1] A. de SCHOUTHEETE et O. VANDEN BERGHE, Le livre X du nouveau Code de Droit Economique – Les nouveautés en matière d’information contractuelle – RDC octobre 2014, Larcier, p. 739 et suivantes et plus particulièrement p. 742 : selon eux, la formule commerciale implique un ensemble, une combinaison d’éléments, dotée d’une certaine originalité, perçue par les clients, formule commerciale qui est une condition à part entière et par ailleurs que cette formule commerciale contienne au moins un des quatre éléments énumérés.