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La Charte relative à l’accès des PME aux marchés publics
Maître Jean-Luc Teheux, avocat au barreau de Liège
Faisant suite à une analyse statistique démontrant la sous-représentation des PME, la charte énumère les différents obstacles à une représentation de ces entreprises aux marchés publics, dont :
- des charges administratives importantes ;
- des délais de paiement trop longs ;
- le manque d'information ou de connaissances (des PME et des autorités publiques) ;
- des marchés publics trop complexes.
Afin de surmonter ces obstacles, d’accroître l'accès des PME aux marchés publics, et corrélativement « de remédier aux déséquilibres en offrant, à toutes les entreprises, les mêmes chances en matière d'accès aux marchés publics » (La Charte page 6), la Charte préconise le respect par les adjudicateurs de 13 principes qui, comme nous le verrons ci-dessous, s’imprègnent, en grande majorité, de principes constituant le substrat de la matière, telles la libre concurrence, la proportionnalité ou encore la transparence.
Les principes tels qu’ils résultent de la Charte sont les suivants :
- La division du marché en lots : Article 58 de la loi du 17 juin 2016 – Règle du « divide or explain »
La Charte recommande d’adopter comme principe directeur la division d’un marché en lots. Lorsqu’il est décidé de ne pas procéder à une division en lots pour des marchés d'une valeur supérieure à 144.000 euros, la Charte rappelle l’obligation d’en indiquer les motifs factuels dans les documents du marché de préférence, ou dans le dossier administratif. Il s’agit en l’espèce d’une application de la règle du « divide or explain » pour les marchés n’atteignant pas 144.000 €.
- La publication adéquate des marchés
La Charte recommande, en toute hypothèse, le recours aux avis de pré-information du marché afin d'informer à temps les entreprises et de leur permettre de préparer à l'avance leur participation aux marchés à lancer.
Elle recommande également la tenue de sessions d'information durant lesquelles la communication d’informations relatives à un marché déterminé a lieu oralement.
Enfin, la charte recommande des délais adéquats, au besoin plus longs que les délais minimaux fixés par la réglementation relative aux marchés publics pour la réception des offres et ce, afin que les opérateurs économiques disposent du temps nécessaire à la préparation de leurs offres.
- L'assurance d'une concurrence adéquate et effective lors de procédures négociées sans publication (PNSP)
La Charte invite les adjudicateurs à veiller à une concurrence adéquate et effective, sauf lorsque la PNSP n’est uniquement possible qu’avec un opérateur.
Même dans l’hypothèse d’une PNSP, la Charte invite les adjudicateurs à favoriser la publication du marché sur leur site web ou sur free market (appl° E-notif°).
- L’attribution sur la base de l’offre économiquement la plus avantageuse : l’article 81 de la loi
L’article 81 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics supprime la notion d’adjudication et prévoit désormais que le marché est attribué au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse du point de vue de l’adjudicateur :
- sur la base du prix;
- sur la base du coût, selon une approche fondée sur le rapport coût/efficacité, telle que le coût du cycle de vie, conformément à l'article 82;
- en se fondant sur le meilleur rapport qualité/prix qui est évalué sur la base du prix ou du coût ainsi que des critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux et/ou sociaux.
La charte recommande d'utiliser les critères d'attribution sur la base des coûts, tels que les coûts du cycle de vie ou sur la base du meilleur rapport qualité/prix, plutôt que sur le seul critère du prix le plus bas (critère 2 et 3 ci-dessus).
- L’utilisation de variantes : Article 56 de la Loi
La Charte exhorte les adjudicateurs à examiner l’opportunité d’offrir aux opérateurs la possibilité de proposer des variantes exigées, autorisées ou libres. L’objectif est de permettre a` des entreprises potentielles de soumissionner dans le cadre d’un marché pour lequel elles n'étaient pas en mesure de fournir une réponse par rapport a` la solution de base.
- Une protection adéquate des droits de propriété intellectuelle des PME innovantes : Article 19 et 20 de l’AR du 14 janvier 2013
La Charte recommande d’éviter l’insertion systématique dans les documents du marché de clause type prévoyant un transfert des droits de propriété intellectuelle, et ce afin d’assurer un équilibre entre les droits de chacun et permettre aux opérateurs économiques de conserver la propriété intellectuelle des innovations développées.
- Optimaliser l’usage de moyens de communication électroniques : Article 14 de la Loi
Les communications et les échanges d'informations entre l'adjudicateur et les opérateurs économiques, y compris la transmission et la réception électronique des offres doivent, à tous les stades de la procédure de passation, être réalisés par des moyens de communication électroniques.
La charte insiste sur l’utilisation des moyens de communication électroniques dans toutes les phases de la procédure de passation en vue de favoriser la transparence et la concurrence et de limiter les coûts administratifs, tant pour les adjudicateurs que pour les opérateurs économiques.
- Le retour d’information vers les soumissionnaires non sélectionnés / non retenus : Articles 7,8,9 et 10 de la loi du 13 juin 2013
La charte préconise une extension de la communication des motifs de droit et de fait de non-sélection ou de rejet au soumissionnaire non retenu, et ce quel que soit le type de marché.
- Des exigences minimales proportionnelles dans le cahier technique des charges
La Charte rappelle différentes exigences trouvant leur source dans le respect du principe de proportionnalité, à savoir :
- Les caractéristiques des spécifications techniques doivent être liées a` l’objet du marché´ et proportionnées a` sa valeur et a` ses objectifs.
- La formulation de spécifications techniques en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles est a` envisager comme la première approche possible, afin de laisser latitude aux opérateurs économiques pour proposer leurs propres produits, services ou solutions techniques.
- Les spécifications techniques sont rédigées de manière ouverte afin qu’elles offrent aux opérateurs économiques un accès égal au marché´ et qu’elles ne conduisent pas a` une limitation injustifiée de la concurrence.
- Il est interdit de mentionner une fabrication ou une provenance déterminée ; en cas de non-respect de cette interdiction, le soumissionnaire peut présenter un produit ou un service équivalent.
- En cas d'utilisation de labels, l’adjudicateur veille a` ce que ces labels soient toujours proportionnés a` l’objet du marché´, et ce notamment afin de n'entraver, en aucune façon, l’accès des PME au marché´.
- La proportionnalité des critères de sélection, garanties financières et modalités de paiement
Se fondant à nouveau sur le respect du principe de proportionnalité, la Charte invite les adjudicateurs à poser dans les documents du marché des exigences d’accès et des conditions contractuelles qui soient adaptées a` la nature et a` l’ampleur du marché´ en choisissant un niveau d’exigence de sélection pertinent et adapte´, en prévoyant un plan de paiement adapte´ pour les contrats de longue durée et en limitant le mode de calcul du cautionnement, notamment pour les accords-cadres.
- Le recours à des procédures avec des éléments de négociation ou de dialogue
A ce jour, la Charte rappelle les 3 procédures de passation dans lesquelles un dialogue ou une négociation est autorisée, à savoir :
- la procédure concurrentielle avec négociation ;
- le dialogue compétitif ;
- Le partenariat d’innovation.
Ces procédures impliquant des négociations ou un dialogue ont pour principal avantage, aussi bien pour les opérateurs économiques que pour les adjudicateurs, qu'elles permettent, mieux que les procédures sans négociation, d'aboutir à des solutions répondant de manière optimale aux besoins spécifiques d'un pouvoir adjudicateur ou d'une entreprise publique.
La Charte recommande, dès lors, de choisir l’une de ces procédures en s’appuyant sur une analyse approfondie des besoins prévus et le cas échéant sur la base d'une étude de marche´, de prendre en compte le degré´ d'innovation nécessaire a` l'exécution du marché´ prévu et de tenir compte des efforts, des coûts et des bénéfices ainsi que des risques qu'entraîne la procédure choisie.
- La facture acceptée
Pour les marchés de faible montant (inférieur à 30.000 €), la Charte recommande de demander de préférence une offre ou une demande de prix, et ce, par la voie la plus simple et sans que soient imposées des exigences de forme ou des conditions complémentaires, de manière à éviter des coûts ou des barrières supplémentaires susceptibles de nuire à l'intérêt porté par les opérateurs économiques au marché prévu.
- La mise en place d’un monitoring systématique de l’accès des PME aux marchés publics
La législation prévoit un système de monitoring en vue d’évaluer l’accès des PME aux marchés publics, d'assurer un suivi et de stimuler le taux de participation des PME aux marchés publics.
Comme on a pu le constater dans l’introduction du présent article, la plupart des recommandations édictées par la Charte relève du respect de principes qui gouvernent d’ores et déjà et depuis longtemps la matière des marchés publics. Ainsi, l’application des principes de transparence, de libre concurrence ou encore de proportionnalité dans le chef d’une autorité adjudicatrice, quelle qu’elle soit, coule de source, puisque l’action de cette dernière ne peut logiquement s’apparenter à un acte anti-concurrentiel ou encore être inappropriée par rapport au but recherché. Comme le précisait la Commission Européenne, lors de la sélection qualitative, l’adjudicateur veillera utilement à ne pas exiger des capacités techniques, économiques et financières disproportionnées par rapport à l’objet du marché (A.L. DURVIAUX, Logique de marché et marchés publics en droit communautaire : Analyse critique d’un système, LARCIER, 2006, p. 382). Comme l’observait la Cour des Comptes dans son 140ème cahier d’observations, « les critères permettant d’apprécier la capacité des candidats ou soumissionnaires doivent être pertinents afin d’assurer tout à la fois le jeu normal de la concurrence et l’efficacité du mécanisme de sélection qualitative ; le pouvoir adjudicateur est d’ailleurs tenu d’adapter ses exigences en fonction du marché considéré et doit éviter de demander systématiquement toutes les preuves énumérées dans la réglementation et être en mesure d’exploiter les documents et attestations réclamés (140e Cahier d’Observations de la Cour des Comptes, in P. THIEL, Le mémento des marchés publics, KLUWER, 2009, p. 195).
L’intérêt de la Charte réside néanmoins dans la volonté d’exhorter les adjudicateurs à aller au-delà des minima prescrits par la réglementation en optimalisant au mieux les possibilités qui leur sont offertes. Nous pensons notamment à la division des marchés en lots, à la publication d’avis de pré-information, au recours à des variantes (sans solution de base) et à des critères d’attribution, ainsi que des spécifications techniques adaptées et précises…