Les conditions générales : quelle utilité, quel contenu ?
Mes Florence Garcet et Laurent Winkin, avocats au barreau de Liège
L’objectif de la présente brève n’est évidemment pas de fournir un modèle exhaustif tout terrain de conditions générales, ce qui s’avère radicalement impossible puisqu’au contraire de ce que pourraient laisser penser les termes «conditions générales», de telles conditions se doivent toujours de coller au plus proche de l’activité qu’elles concernent. Nous nous attacherons des lors uniquement a` mettre en exergue les points essentiels qui doivent être envisagés dans de bonnes conditions générales de vente ou de prestation. Préalablement a` cela, il est indispensable d’aborder la question de l’opposabilité des conditions générales.
De l’opposabilité des conditions générales
Le terme «opposabilité» concerne toute la question de savoir si les conditions générales de vente ou de prestation envisagées sont bien entrées dans le champ contractuel et peuvent dès lors être invoquées a` l’encontre du cocontractant.
Rien ne sert en effet de disposer de conditions générales exemplaires si ces dernières ne peuvent être invoquées lors d’un litige qui surviendrait dans l’exécution de la relation contractuelle envisagée. Or, pour que des conditions générales de vente ou de prestation soient opposables a` un cocontractant, il est nécessaire que ce dernier ait eu la possibilité´ effective d’en prendre connaissance et les ait acceptées préalablement a` la conclusion du contrat.
Les Cours et Tribunaux sont relativement sévères concernant les deux conditions précitées. Il convient de s’attarder sur chacune d’entre elles afin d’éviter les erreurs qui peuvent parfois avoir des conséquences importantes.
- Possibilité de prendre connaissance des conditions générales
Il n’est pas nécessaire que le cocontractant ait effectivement pris connaissance du contenu des conditions générales, il doit toutefois exister une possibilité réelle ou raisonnable d’en prendre connaissance.
Les conditions doivent donc être transmises au cocontractant ou lui être raisonnablement accessibles au plus tard au moment de la conclusion du contrat.
Un simple lien repris sur une facture et qui renvoie aux conditions générales présentes sur le site internet du vendeur ou du prestataire n’est ainsi pas suffisant. De même, si les conditions générales se retrouvent sur le verso d’un document, un renvoi clair sur le recto est nécessaire.
Il faut également veiller à éditer les conditions générales dans une taille de caractère et un contraste de couleur qui permettent une lecture aisée de celles-ci.
Enfin, nous insistons sur la nécessité de vous ménager une preuve du fait que le cocontractant a effectivement pu prendre connaissance des conditions générales.
- Acceptation des conditions générales
L’acceptation des conditions générales par le cocontractant peut être expresse ou tacite.
Dans ce dernier cas, un silence peut suffire pour autant qu’il soit circonstancié, c’est-à-dire qu’il ne puisse pas être interprété autrement que comme une acceptation au vu des circonstances qui l’entourent (par exemple : acceptation de l’offre au dos de laquelle se retrouvent les conditions générales, exécution du contrat, etc.).
Particularité dans une relation entre entreprises
S’il peut être admis entre entreprises que des conditions générales qui apparaîtraient pour la première fois au dos d’une facture soient opposables au débiteur de cette dernière si ladite facture n’a pas été contestée, il est préférable d’éviter ce genre de cas de figure sujet a` interprétation.
Partant, la voie la plus sûre reste d’obtenir de son cocontractant son accord exprès sur les conditions générales envisagées, par exemple au moyen d’une mention du type «par la signature du présent bon de commande (ou de la présente confirmation de commande), le client reconnaît avoir pris connaissance et accepte´ expressément les conditions générales du vendeur (ou du prestataire)».
Ainsi, il sera impossible pour ce dernier de contester, lorsqu’un litige surviendra, qu’il a eu connaissance et accepte´ expressément les conditions générales.
Conditions générales et ventes en ligne
Il est important de signaler qu’il y a lieu de raisonner de manière similaire en matière de commerce électronique.
Plusieurs techniques existent afin de permettre au cocontractant d’avoir la possibilité de prendre connaissance des conditions générales.
Le vendeur ou le prestataire peut utiliser la méthode dite du « clickwrap agreement » par laquelle les conditions générales s’affichent en entier et pour laquelle le client doit cocher une case de type « J’accepte les conditions générales » avant de conclure le contrat.
Il est également possible d’utiliser la méthode du « browsewrap agreement » qui permet de renvoyer aux conditions générales par le biais d’un lien hypertexte.
La première méthode présente plus de sécurité, la seconde pouvant poser problème, notamment en fonction de l’emplacement du lien.
Si le vendeur ou le prestataire fait le choix de la seconde option, nous conseillons en outre d’insérer une case d’acceptation des conditions générales en plus du lien hypertexte.
Rappelons qu’il est interdit de « précocher » la case pour le cocontractant.
Enfin, cette obligation d’acceptation des conditions générales du vendeur ou du prestataire avant toute commande en ligne doit être doublée de la possibilité effective pour le client de sauvegarder ou d’imprimer une version des conditions générales telles qu’il les a acceptées.
Des conditions générales essentielles
Nous pouvons maintenant aborder les clauses les plus importantes qui viseront à garantir le respect des droits du vendeur ou du prestataire en faisant peser sur son cocontractant une série d’obligations l’incitant à exécuter de manière adéquate le contrat conclu.
Nous attirons d’ores et déjà votre attention sur le fait que le Code de droit économique interdit purement et simplement toute une série de clauses dites abusives si le vendeur ou le prestataire contracte avec un consommateur. Une vérification au cas par cas s’imposera lors de la rédaction des clauses.
A. Clause de présentation
Il est important de prévoir une clause de présentation de l’entreprise du vendeur ou du prestataire et de l’activité´ de cette dernière, clause de présentation qui peut également contenir les définitions des termes essentiels utilisés en termes de conditions générales.
Une telle clause poursuit un double objectif. Un premier objectif de transparence : le client saura d’emblée et précisément qui est son cocontractant. Le second objectif est de réduire autant que faire se peut d’éventuels problèmes d’interprétation en définissant de manière la plus précise possible les termes essentiels du contrat tels que notamment le produit ou le service vendu.
B. Clause relative aux conditions de paiement du prix
Le paiement étant évidemment si pas l’unique obligation du client, en tout cas son obligation principale, il est important de garantir autant que faire se peut ce dernier en prévoyant un intérêt de retard comptabilise´ dès la date d’échéance de la facture sans qu’une mise en demeure soit nécessaire. Les juridictions admettent généralement un taux d’intérêt de retard conventionnel de l’ordre de 12 %, lequel peut parfois être réduit a` 10 %.
De même, une clause pénale, c’est-a`-dire un montant forfaitaire a` payer par le client retardataire en vue d’indemniser le vendeur ou le prestataire en cas de retard de paiement, est également un moyen permettant d’atténuer les effets négatifs d’un tel retard.
A cet égard, les juridictions admettent généralement des clauses pénales de l’ordre de 15 %. Sans entrer dans les méandres de la législation protectrice des consommateurs, il est important de souligner que lorsque l’on a a` faire a` un consommateur, cette clause pénale doit être réciproque car a` défaut, elle n’est pas applicable.
Cela signifie en clair que le vendeur ou le prestataire doit prévoir une clause du même type en sa défaveur s’il ne respectait pas ses obligations. En pratiquant de la sorte, le vendeur ou le prestataire s’assure d’obtenir paiement du prix mais également des frais qui seraient engendrés par un paiement tardif d’un client récalcitrant, a` condition évidemment que ce dernier ne soit pas insolvable ou n’ait pas été déclare´ en faillite ou ne fasse l’objet d’une procédure de réorganisation judiciaire.
C. Clause de réserve de propriété
Une telle clause vise à faire en sorte que les produits vendus restent la propriété´ du vendeur jusqu’au moment du paiement complet du prix de vente du produit. Cette clause permet ainsi au vendeur de produits de récupérer ces derniers en cas de non-paiement du prix de vente.
D. Clause exonératoire ou limitative de responsabilité
Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité visent a` réduire ou supprimer la responsabilité´ du vendeur ou du prestataire en cas de non-respect de ses obligations. Ces clauses s’illustrent par leur très grande diversité.
Elles ne peuvent cependant avoir pour conséquence de vider le contrat de sa substance sous peine d’être invalidées. L’utilité de ces clauses est manifeste : réduire autant que faire se peut les éventuelles indemnisations qui seraient réclamées au vendeur ou au prestataire si sa responsabilité venait a` être engagée en raison d’un défaut ou d’un vice du produit vendu ou du service livre´.
Rappelons qu’il est interdit de s’exonérer de son dol et que si le vendeur ou le prestataire souhaite s’exonérer de sa faute lourde, les conditions générales doivent contenir une mention expresse à ce sujet.
E. Clause relative au traitement des données a` caractère personnel
Avec l’entrée en vigueur du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), il est vivement recommandé d’envisager le traitement des données a` caractère personnel éventuellement réalise´ par le vendeur ou le prestataire en termes de conditions générales.
Une attention toute particulière devra être portée à la rédaction des clauses relatives aux données personnelles et à leur(s) utilisation(s), le RGPD imposant d’informer le cocontractant de manière relativement large.
F. Clause déterminant le droit applicable et la juridiction compétente
Une telle clause a pour objet de préciser d’emblée a` quel droit national sera soumise la relation contractuelle envisagée et devant quelle juridiction devront être introduits les éventuels litiges en relation avec cette dernière.
L’objectif de cette clause est clair : faire en sorte que ce soit le droit belge qui régisse la relation contractuelle précitée et faire en sorte de soumettre un éventuel litige qui surviendrait a` la juridiction du choix du vendeur ou du prestataire.
En pratique, cette juridiction sera habituellement celle du domicile ou du siège social dudit vendeur ou dudit prestataire. Il n’est en effet jamais inutile de plaider «a` la maison».
En conclusion, nous préciserons simplement que par l’insertion de conditions générales envisageant les problématiques précitées, le vendeur ou le prestataire peut aisément évacuer d’emblée une série d’écueils qui pourraient se dresser sur sa route lorsque son cocontractant ne remplit pas de manière correcte ses obligations. Mais la rédaction de ces conditions générales doit se faire avec la plus grande attention. Le recours à un professionnel du droit permettra de rendre les conditions générales opposables et évitera l’insertion de clauses abusives ou illégales.
Juin 2011
Mis à jour en janvier 2019