Le tribunal de commerce et la médiation commerciale
Me Damien Dessard, avocat au barreau de Liège
La médiation commerciale est un processus extra-judiciaire de règlement des conflits encore trop souvent méconnu des justiciables…et pourtant !
Sous l’impulsion énergique et efficace de ses magistrats et spécialement sa Présidente, le tribunal de commerce de LIEGE et toutes ses divisions, prônent, dans bon nombre de matières, la médiation comme outil de règlement des litiges.
Il ne s’agit aucunement pour le tribunal de se décharger de sa mission régalienne, mais bien d’offrir au justiciable, en l’occurrence les entreprises et les indépendants, un outil supplémentaire leur permettant s’ils le souhaitent, de régler autrement leur différend.
Qu’est-ce que la médiation ?
Il s’agit donc d’une démarche volontaire des parties à un litige qui souhaitent rester maîtres de celui-ci et qui entendent désigner ou voir désigner par le tribunal, un tiers neutre indépendant et impartial – le médiateur – afin que celui-ci les aide à trouver eux-mêmes leur solution au litige.
Le médiateur n’est en effet ni un juge, ni un arbitre qui dira le droit et qui, en quelque sorte, stigmatisera les responsabilités des uns et des autres dans le cadre d’une procédure. Au contraire, le médiateur tentera, par les outils de la médiation, et notamment par le simple fait de remettre les parties en présence autour d’une table, de recréer des liens, et à tout le moins un dialogue, pour que, si elles le souhaitent, malgré l’existence de ce litige, elles puissent trouver une solution à leur différend, voire, éventuellement, continuer à travailler ensemble à l’avenir.
Pour que la médiation fonctionne, il faut bien évidemment que les parties qui y participent, le fassent de leur plein gré en ayant une parfaite connaissance de l’intérêt qu’elles ont à cette discussion. Par ailleurs, la sécurité pour les parties réside dans le fait que tout ce qui s’échange dans le cadre de la médiation est strictement confidentiel, c'est-à-dire que même si la négociation ne devait pas aboutir, tout ce qui aura été échangé ne pourra pas être utilisé devant le tribunal. Ceci permettra éventuellement de reconnaitre certaines défaillances, tout en ayant la sécurité que cet « aveu » n’aura aucune conséquence juridique, ce qui ne serait bien évidemment pas le cas dans le cadre d’une procédure judiciaire.
L’intérêt de la médiation ?
Aucun tiers, qu’il soit juge ou arbitre, ne vous imposera une décision. Ce sont les parties elles-mêmes qui décident de commun accord de construire leur décision. Il ne faut, en effet, pas oublier la réalité que constitue « l’aléa judiciaire » : même ce qu’on qualifie être un bon dossier peut être vu sous un autre prisme par un tiers, qu’il soit juge ou arbitre. Dès lors, alors que l’on peut s’attendre à une victoire totale, bon nombre sont les hypothèses où l’on ne gagne jamais assez, voire l’on perd sur l’un ou l’autre chef de demande.
Il demeure alors presqu’autant de frustrations à l’issue de la procédure que ce qu’il existait à l’entame de celle-ci...sinon plus !
La finalité de la médiation est donc, entre autres, d’éviter cette frustration puisque les parties elles-mêmes décident de leur avenir.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que, même si les tribunaux de commerce sont très efficaces dans la gestion de leur mise en état des affaires, celles-ci nécessitent un temps incompressible pour monter juridiquement un dossier, temps qui sera toujours deux à trois fois supérieur au temps que durerait une médiation (sans compter le temps d’un éventuel appel).
En conséquence, qui dit économie de temps, dit économie d’argent !
Quelle est la pratique du tribunal de commerce de Liège et de ses divisions ?
Une fois qu’un dossier est entré dans le circuit judiciaire et après le premier échange de conclusions, les magistrats du tribunal de commerce examinent celui-ci afin de voir si, selon leur expérience, le dossier pourrait se prêter à une médiation. Certains « critères », comme le développement d’une demande reconventionnelle, sont souvent très révélateurs à cet égard...
Si tel est le cas, ils convoquent tant les parties que leurs avocats à une audience d’information sur la médiation car force est de constater que bon nombre d’entrepreneurs, mais encore aussi d’avocats, ignorent les tenants et aboutissants de la médiation.
Au cours de cette séance d’information, les magistrats expliquent en quoi consiste la médiation, l’intérêt de celle-ci dans le cadre du dossier qui leur sera éventuellement soumis et informent les parties que, si elles le souhaitent, des permanents médiateurs agréés se trouvent en chambre du conseil, à savoir la pièce jouxtant la salle d’audience, pour donner une information plus complète encore sur la médiation (protocole de médiation, durée, coût, identité du médiateur, …)
Il n’y a bien évidemment aucune obligation à s’inscrire dans ce processus et aucune conséquence judiciaire d’un éventuel refus de s’y inscrire, mais il est de l’intérêt des entrepreneurs de se rendre à pareille convocation, à tout le moins pour savoir qu’ils ont éventuellement d’autres choix que la procédure judiciaire pour solutionner leur conflit.
Si les parties acceptent de tenter le processus de médiation, le dossier sera alors renvoyé au rôle, car il est inimaginable de négocier tout en continuant de s’adresser des actes de procédure stigmatisant les positions de chacun. Cependant, il ne faut pas voir dans ce renvoi au rôle une opportunité dilatoire car si la médiation ne devait pas fonctionner, le tribunal de commerce de Liège s’engage à faire refixer par priorité les dossiers qui ont tenté le coup de la médiation, laquelle n’aura éventuellement pas pu aboutir.
Rassurez-vous cependant, 7 à 8 cas de médiations sur 10 aboutissent à un accord.
En conclusion, si vous recevez pareille convocation du tribunal de commerce, rendez-vous à ladite audience car cette information vous donnera, à tout le moins, la possibilité de rester un peu plus acteur de votre « destin judiciaire » au cours duquel votre avocat vous accompagnera également tout à fait utilement pour que vous puissiez négocier en toute sécurité.
Avril 2017