Transfert d'entreprise dans le cadre d'une réorganisation juridiciaire (PRJ): les travailleurs ont-ils droit au chapitre ?

Si la procédure de transfert sous autorité de justice n’a pas connu le succès escompté, c’est principalement pour des raisons d’insécurité juridique en matière sociale. Le législateur devait donc y remédier, d’autant qu’il avait clairement annoncé que le régime prévu initialement était provisoire.

Nous présenterons donc ici les obligations d’information et de consultation des travailleurs aux différents stades de la procédure (A), les droits des travailleurs par rapport au repreneur (B), et enfin l’homologation de la convention par le tribunal du travail (C). Les points (B) et (C) seront publiés dans une prochaine news.

A. PRISE EN COMPTE DES TRAVAILLEURS ET DE L’INCIDENCE DU TRANSFERT SUR L’EMPLOI

1. Au moment de la demande (requête) visant le transfert de l’entreprise

  • Obligation d’information et de consultation préalable du conseil d’entreprise ?

La loi prévoit que le cédant (= l’entreprise = l’employeur) doit informer et consulter les représentants du personnel dès qu’il introduit une demande en vue d’un transfert (total ou partie) sous autorité de justice. Par ailleurs, les articles 10 et 11 de la CCT n° 109 prévoient que l’employeur informe et consulte le conseil d’entreprise s’il envisage de prendre une décision susceptible d’avoir une influence sur l’emploi (articles 10 et 11 de la CCT n° 9).

 

En ce qui concerne la Loi Renault, celle-ci doit en théorie être respectée si ses conditions d’application sont rencontrées.

 

Toutefois, en pratique, dans la mesure où le transfert sous autorité de justice suppose en principe le transfert de tous les travailleurs de l’activité cédée (totalement ou partiellement) et échappe à la maîtrise du cédant, on voit mal comment l’employeur pourrait être contraint de consulter et informer les travailleurs et comment il pourrait leur fournir une information pertinente. En réalité, seul le candidat repreneur le pourrait, mais il n’est ni le cédant ni l’employeur.

 

→ L’employeur qui dépose une demande de transfert dans le cadre d’une PRJ a l’obligation d’informer (et consulter) préalablement les travailleurs du dépôt de cette demande, mais sans pouvoir donner des informations sur les incidences de cette procédure.

 

  • Si le transfert est demandé en cours de PRJ, il y a audition des travailleurs par le tribunal:

Le tribunal de commerce entend les représentants du personnel au sein du conseil d’entreprise, ou à défaut les représentants du personnel au sein du CPPT ou à défaut la délégation syndicale ou à défaut une délégation du personnel.

 

2. Lorsque les projets de reprise sont connus

→ Il y a un conseil d’entreprise

 

Le cédant devra informer le conseil d’entreprise du ou des projets de transfert envisagé et de l’implication de ces différents projets pour les travailleurs. Cette information doit avoir lieu au préalable, à un moment approprié, selon les règles évoquées ci-avant (CCT n° 9). Elle doit porter au moins sur les éléments visés dans la CCT n° 102 (ci-dessous).

 

→ Il n’y a pas de conseil d’entreprise

 

En ce cas, la CCT n ° 102 prévoit que les travailleurs sont informés de la date fixée ou projetée pour le transfert, du motif du transfert, des conséquences juridiques et sociales du transfert et des  mesures envisagées à l’égard des travailleurs.

Cette information doit avoir lieu au préalable, à un moment approprié ; elle incombe tant au débiteur qu’au mandataire de justice voire au(x) candidat(s) repreneur(s). Il n’est pas précisé comment cette information doit intervenir, en pratique.

 

         → Dans tous les cas : information individuelle des travailleurs qui sont concernés par le transfert

 

Le mandataire doit informer par recommandé les travailleurs concernés. L’information mentionne tous les droits, obligations, actions et dettes de l’entreprise à l’égard de ces travailleurs. Le(s) candidat(s) repreneur(s) reçoivent une copie de cette information.

 

3. Dans la sélection des projets par le mandataire

→ Le maintien de l’emploi intervient à 2 niveaux :

  • Dans la recherche des offres par le mandataire de justice, qui « sollicite des offres en veillant prioritairement au maintien de tout ou partie de l’activité de l’entreprise tout en ayant égard au droit des créanciers ».Il énonce, le cas échéant, dans son appel d’offres, la communication des garanties d’emploi.

  • Dans la sélection de(s) l’offre(s) que le mandataire présentera au tribunal de commerce, pour homologation : si le mandataire est face à des offres comparables, alors il doit accorder la priorité à celle qui garantit la permanence de l’emploi par un accord social. Le maintien de l’emploi est donc un critère prioritaire uniquement en cas d’offres comparables. La notion d’offres « comparables » n’est pas précisée : s’agit-il d’un même prix ? Quid si le repreneur propose de reprendre moins de travailleurs mais propose un prix nettement supérieur ?

4. Dans l’homologation du projet de transfert par le tribunal de commerce

Les travailleurs sont entendus par le tribunal, plus exactement les représentants du personnel au sein du conseil d’entreprise, ou à défaut les représentants du personnel au sein du CPPT ou à défaut la délégation syndicale ou à défaut une délégation du personnel. En pratique, le tribunal entend généralement tout travailleur qui le souhaite.

Le mandataire devra donc veiller à informer les travailleurs concernés des jours et heures de l’audience fixée pour l’examen de la requête en homologation du projet de transfert.