Motivation du licenciement et licenciement manifestement déraisonnable

Cette convention collective conclue le 12 février 2014 au sein du Conseil National du travail (la C.C.T. n° 109) entre en vigueur le 1er avril 2014 pour les licenciements notifiés à partir de cette date (article 12). Elle s’applique à la toute grande majorité des licenciements des travailleurs liés par des contrats de travail conclus pour une durée indéterminée. Elle exclut cependant de son champ d’application les congés notifiés pendant les 6 premiers mois d’occupation (article 2).

Droit du travailleur de connaître les motifs du licenciement

L’employeur doit communiquer au travailleur les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement (article 3).

Il peut le faire de sa propre initiative par écrit (article 6).

S’il ne l’a pas fait d’initiative, le travailleur peut lui adresser une demande pour connaître les motifs par lettre recommandée dans un délai de 2 mois après que le contrat a pris fin. Lorsque l’employeur a mis fin au contrat moyennant un délai de préavis, le travailleur adresse sa demande à l’employeur dans un délai de 6 mois après la notification du congé, sans pouvoir dépasser 2 mois après la fin du contrat (article 4).

L’employeur qui reçoit une telle demande doit communiquer au travailleur les motifs qui ont conduit au licenciement par lettre recommandée dans les 2 mois à compter de la réception de la demande du travailleur (article 5).

La convention collective spécifie que l’employeur doit communiquer les « motifs concrets » qui ont conduit au licenciement (art. 3 à 6) mais elle ne définit pas ces termes. Il semble que l’employeur ne puisse plus se contenter de formules passe-partout comme celles qu’il mentionne souvent sur le certificat de chômage C4 dans la rubrique « motif précis du chômage ». Il doit mentionner, même de manière synthétique, les éléments de fait essentiels qui « concrétisent » les motifs du licenciement.

L’employeur qui ne respecte pas ces dispositions de la convention collective est redevable au travailleur d’une amende civile forfaitaire correspondant à 2 semaines de salaire (article 7, § 1). En outre, en cas de contestation, il lui appartient de fournir la preuve des motifs qu’il invoque et qui démontrent que le congé n’est pas manifestement déraisonnable (article 10, 2ème). Dans ce cas, ce n’est pas le travailleur (demandeur d’une indemnité) mais l’employeur qui supporte la charge et le risque de la preuve.

Sanction du licenciement manifestement déraisonnable

La C.C.T instaure un régime particulier de l’abus de droit de licenciement.

Le régime spécifique du licenciement abusif applicable aux seuls ouvriers et organisé par l’article 63 de la loi relative aux contrats de travail est abrogé. Le licenciement manifestement déraisonnable est défini comme suit :

  • Le motif du licenciement n’a aucun lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur ou n’est pas fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise (art. 8 de la C.C.T.).
    Cet élément est familier. Il figurait déjà dans l’article 63 susdit.
     
  • Il n’aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable (article 8 de C.C.T).
    Cet élément est nouveau.

La C.C.T consacre le concept de « contrôle marginal » : les juridictions du travail ne peuvent sanctionner un licenciement que si tout employeur raisonnable, normalement soucieux des intérêts de l’entreprise, placé dans les mêmes circonstances, n’aurait pas mis fin au contrat de travail. Le contrôle judiciaire de la pertinence des motifs est ainsi circonscrit.

En cas de licenciement manifestement déraisonnable, l’employeur est redevable au travailleur d’une indemnité égale au minimum à 3 semaines et au maximum à 17 semaines de rémunération (article 9, §§ 1 et 2 de la C.C.T).

Le tribunal a un large pouvoir d’appréciation entre le minimum et le maximum. L’indemnité peut être cumulée avec une indemnité de préavis.

Ainsi que l’on a déjà indiqué, lorsque l’employeur n’a pas communiqué au travailleur les motifs du licenciement conformément aux dispositions de la C.C.T., la charge de la preuve est renversée : elle repose sur cet employeur.

Conclusion

Les employeurs devront désormais veiller à communiquer à tout travailleur qui en fait la demande les motifs concrets du licenciement.

Ils devront être attentifs à la formulation de ces motifs. Ils recueilleront et conserveront les éléments de preuve des causes du licenciement (statistiques, rapports, évaluations, plaintes des clients, avertissements, etc.).

En cas de contestation, les juridictions du travail pourront contrôler « de manière marginale » la pertinence des motifs.

Si le motif est manifestement déraisonnable, ces juridictions condamneront l’employeur au paiement d’une indemnité dont le montant n’est pas négligeable dès lors qu’elle se cumule avec le préavis ou l’indemnité de préavis.