Le recouvrement de créance

Me Julie Van Themsche, avocate au barreau de Liège

Face à un débiteur récalcitrant, comment faut-il réagir ?

Le recouvrement de créance n’implique pas ipso facto le recours aux cours et tribunaux.

Lorsque le retard de paiement du débiteur trouve sa cause dans un manque de liquidité temporaire, il n’est pas rare que le débiteur honore sa dette ou propose un plan d’apurement suite à la mise en œuvre du recouvrement amiable.

En l’absence de réaction du débiteur, le créancier n’aura d’autre choix que de procéder   au recouvrement judiciaire de sa créance. Cette dernière étape est indispensable pour permettre au débiteur d’obtenir un titre au moyen duquel il pourra ensuite procéder à des mesures d’exécution forcée sur le patrimoine du débiteur récalcitrant.

1. Recouvrement amiable : qui, quoi, comment ?

Avant d’entamer une procédure judiciaire, le créancier doit adresser une lettre de mise en demeure à son débiteur. Cette dernière fait souvent suite à plusieurs rappels qui ont généralement été faits dans un premier temps verbalement et ensuite par écrit.

Qu’est-ce qu’une mise en demeure ?

La mise en demeure constitue la dernière sommation dans laquelle le créancier va inviter le débiteur à s’acquitter de sa dette.

Quelle forme doit prendre une lettre de mise en demeure ?

La mise en demeure n’est soumise à aucune condition de forme particulière quant à ses mentions ou à son mode d’envoi, sauf le recouvrement des dettes du consommateur qui est réglementé par la loi du 20 décembre 2002 relative au recouvrement amiable des dettes du consommateur.

Il faut privilégier une lettre de mise en demeure au contenu clair et précis en reprenant les informations suivantes :

  • l’origine de la créance (facture, prêt, etc.) ;
  • le montant en principal de la créance et un décompte précis si la dette a été apurée partiellement ;
  • le délai de paiement dans lequel le débiteur doit s’exécuter ;
  • l’application d’une clause pénale si cette dernière est stipulée dans les conditions générales ou le contrat encadrant la relation contractuelle ;
  • le numéro de compte bancaire sur lequel le paiement doit être effectué.

Il peut également être utile de faire référence aux rappels verbaux et écrits qui ont été faits préalablement.

Bien que la formalité de l’envoi recommandé ne soit pas obligatoire, elle est vivement conseillée afin de se ménager une preuve de l’envoi.

Quelles sont les effets de la mise en demeure ?

Outre qu’elle constitue une dernière sommation de payer, préalable à l’introduction d’une procédure judiciaire, elle a également pour effet de faire courir les intérêts de retard (légaux ou conventionnels selon le cas). Il est toutefois possible que ces derniers aient pris court de plein droit,  et sans mise en demeure préalable si cela a été prévu dans les conditions générales  ou le contrat encadrant la relation contractuelle dans le cadre de laquelle la créance est née.

Sauf dans certains cas (cf. infra), l’envoi d’une lettre de mise en demeure n’a pas pour effet d’interrompre la prescription.

La lettre de mise en demeure doit-elle être adressée par l’intermédiaire d’un avocat ou  d’un huissier ?

Il n’est pas nécessaire de recourir aux services d’un huissier ou d’un avocat pour adresser une lettre de mise en demeure à son débiteur.

Toutefois, le recours à un professionnel peut avoir un avantage sur le plan psychologique. En effet, le débiteur récalcitrant aura tendance à accorder plus de crédit à la lettre de mise en demeure que lui adresse  un avocat ou un huissier.

Outre cet avantage,  le recours à un huissier ou à avocat peut avoir une réelle plus-value sur le plan de la prescription.

En effet,  les lettres de mise en demeure adressées par les avocats et les huissiers de justice ont  un effet interruptif de la prescription moyennant le respect de certaines conditions.

Aussi, lorsque la date de prescription approche, il est conseillé au créancier de se tourner vers un avocat ou un huissier afin de retarder la prescription de la dette.

Lorsque le débiteur demande un délai de paiement, il est souvent préférable de réserver une suite favorable à cette demande. En effet, il est fréquent, en pratique, que les plans de paiement demandés par les débiteurs dans le cadre des procédures judiciaires soient accordés. Aussi, en acceptant un plan d’apurement au stade de la phase amiable, le créancier fait l’économie d’une procédure judiciaire.

Lorsque le créancier accorde un plan d’apurement, il doit être attentif à vérifier régulièrement le respect de ce dernier, afin de pouvoir réagir rapidement si le débiteur devait cesser les paiements. L’avantage est que la proposition d’un plan d’apurement constitue une reconnaissance implicite de la dette par le débiteur.

Il est également conseillé au créancier de se réserver un écrit constatant le plan d’apurement. A cet égard, un échange de mails suffit. Le créancier sera également attentif à prévoir une clause de déchéance des délais de paiement en cas de non-respect des échéances. Cette clause vise à permettre au créancier de réclamer la totalité de la créance non payée dans le cadre d’un recouvrement judiciaire dans l’hypothèse où le débiteur devait cesser de respecter le  plan d’apurement convenu.

Avant de procéder à une procédure judiciaire, le créancier peut également tenter sa chance dans le cadre d’un appel en conciliation. A la demande du créancier, le débiteur est appelé en conciliation, devant un Tribunal. A l’issue de l’audience, le Tribunal acte ou non l’accord intervenu entre les parties. Le passage par la conciliation n’est pas obligatoire.

2. Recouvrement judiciaire

En l’absence de paiement ou de proposition de plan d’apurement suite à la mise en demeure, le créancier se retrouve face à un choix difficile qui consiste à  décider s’il entre ou non dans la voie du recouvrement judiciaire. Eu égard au coût d’une procédure judiciaire, la décision du créancier dépend habituellement du montant de sa créance et de la solvabilité de son débiteur.

S’il est vrai que les frais d’huissier sont, en définitive à charge de la partie succombant, ces derniers doivent être avancés à l’huissier. Les chances de succès de recouvrer la créance et les frais engendrés par la procédure judiciaire dépendront de la solvabilité du débiteur.

Le recouvrement judiciaire peut s’opérer de plusieurs manières :

  1. la procédure de droit commun ;
  2. la procédure sommaire d’injonction de payer ;
  3. la procédure de recouvrement amiable extrajudiciaire des créances incontestées de droit belge ;
  4. la procédure européenne d’injonction de payer (cf. A. BERTHE « Procédure Européenne d’injonction de payer », Brève du Barreau,  2016, n°10).

La procédure judiciaire peut s’avérer plus ou moins longue selon la ligne de défense adoptée par le débiteur (reconnaissance de la dette ou contestation de cette dernière).

Le choix de la procédure dépendra de la nature de la dette, du montant de la dette, de la qualité des parties (commerçantes, professionnelles ou particuliers) ainsi que de la reconnaissance ou non de la dette par le débiteur.

Lorsque la dette est contestée, la seule voie possible, est la procédure de droit commun laquelle peut s’avérer longue et onéreuse.

Les récentes modifications du code judiciaire sont néanmoins favorables aux créanciers.  Le taux de ressort (montant de la valeur des litiges étant appelables) a été majoré à 1.860,00 EUR devant les juges de paix et à 2.500,00 EUR devant les tribunaux de première instance et les tribunaux de commerce. En outre, l’exécution provisoire des jugements a été généralisée sauf en ce qui concerne les jugements rendus par défaut. Ces deux changements devraient empêcher le débiteur de diligenter un appel purement dilatoire.

3. Exécution de la décision judiciaire

Une fois que le créancier est en possession d’une décision judiciaire exécutoire, il peut procéder à des mesures d’exécution forcée si son débiteur ne s’exécute pas volontairement.

Au stade de l’exécution, l’obstacle pour le créancier est d’obtenir des informations sur la nature et l’étendue du patrimoine de son débiteur, informations pourtant primordiales pour déterminer le type de mesure d’exécution à mettre en œuvre (saisie mobilière ou immobilière, saisie-arrêt entre les mains d’un créancier du débiteur).

4. Mesures préventives ?

Il est impossible de se prémunir complètement de l’insolvabilité de son débiteur. Toutefois, pour les professionnels, il est utile de prévoir certaines clauses dans les documents contractuels :

  • clause pénale ;
  • clause stipulant des intérêts de retard conventionnels exigibles de plein droit ;
  • clause de réserve de propriété ;
  • clause de compensation ;
  • clause relative à l’exception d’inexécution ;
  • clause de cautionnement.