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Le droit applicable aux contrats d’agence et de concession de vente exclusive lorsqu’ils sont internationaux
Très souvent, la discussion se concentrera sur les éléments qui présentent, pour les parties, un intérêt économique majeur, tel que la rémunération du distributeur, le territoire au sein duquel celui-ci exercera ses activités, les pouvoirs qui lui seront confiés, son éventuelle exclusivité ou encore les délais de livraison ou de paiement.
Il est en revanche plus rare qu’une véritable négociation se noue sur le sujet du droit applicable à la convention. Il s’agit pourtant d’une question essentielle : quelles sont les règles juridiques qui, en cas de litige, régiront ces éléments importants spécialement négociés par les parties, que ce soit leur validité, leur interprétation ou leur sanction (inexécution) ? L’application d’un droit plutôt qu’un autre peut modifier sensiblement la situation des parties, essentiellement en matière de concession de vente, dont le régime varie très fortement au sein même de l’Union européenne (à la différence de l’agence commerciale qui fait l’objet d’une directive européenne[1]).
Les instruments européens pour déterminer le droit applicable aux contrats
La question du droit applicable aux contrats internationaux fait l’objet d’un texte commun aux Etats européens depuis plus de 30 ans. Il s’agit de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur le droit applicable aux obligations contractuelles. Cette convention a récemment été remplacée par un règlement européen[2] dit « règlement Rome I ».
Ces deux textes ont en commun de donner la priorité à la volonté des parties[3]. En d’autres termes, lorsqu’une entreprise se pose la question de savoir quel droit s’appliquera au contrat international qu’elle est en train de négocier, la première réponse est : le droit que les parties auront choisi[4].
Les parties bénéficient en principe d’une grande liberté pour faire ce choix. Elles peuvent choisir le droit d’un Etat avec lequel elles n’entretiennent aucun lien. Il y a toutefois une exception, lorsque le droit de l’Etat avec lequel le contrat a les liens plus étroits ou le droit de l’Etat où un juge est saisi du litige comprend des règles à ce point importantes qu’elles doivent toujours s’appliquer, quel que soit le choix des parties (il s’agit de lois dites « impératives » ou « de police »).
Sous les mêmes nuances, les parties peuvent également, si elles le souhaitent, soumettre des pans séparés de leur contrat à des droits différents.
Que se passe-t-il si les parties n’ont fait choix d’aucun droit ?
Une fois encore, la convention et le règlement apportent une solution au problème. En effet, les deux textes précisent que le contrat est régi par la loi de l’Etat sur le territoire duquel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a établi son domicile ou, dans le cas d’une société, a son siège social.
En matière de distribution, la partie qui fournit la prestation caractéristique est en principe le distributeur[5]. C’est donc la loi de son établissement principal qui s’appliquera.
Et le droit belge, dans tout ça ?
Le contrat d’agence est régi, en droit belge, par une loi du 13 avril 1995. S’applique-t-elle en cas de contrat international ?
Si les parties sont situées dans l’Union européenne, c’est d’abord aux principes européens analysés ci-dessus qu’il convient de se référer.
Par conséquent, si les parties ont choisi le droit d’un Etat membre de l’Union européenne distinct du droit belge, ce choix est en principe opposable au tribunal, même lorsque l’agent est situé en Belgique. Toutefois, la Cour de justice de l’Union européenne a décidé récemment que le juge peut appliquer les dispositions de son propre droit, si celles-ci sont plus protectrices de l’agent[6]. Le juge belge pourrait ainsi écarter les dispositions du droit d’un autre Etat membre choisi par les parties au profit de l’application du droit belge, mais seulement si ce dernier est plus favorable à l’agent.
Dans l’hypothèse où les textes européens ci-avant ne seraient pas d’application, par exemple dans le cas d’un contrat conclu entre un agent commercial belge et un commettant établi en dehors de l’Union européenne, l’agent belge pourra en principe revendiquer le bénéfice de la loi belge.
En ce qui concerne le contrat de concession, c’est la très connue et très redoutée (par les concédants) loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée qu’il convient d’appliquer. Ce texte dispose que si un concessionnaire qui exerce ses activités en Belgique s’estime lésé par la résiliation unilatérale de son contrat de concession exclusive de vente à durée indéterminée, il peut s’adresser au juge belge pour lui soumettre ses revendications, nonobstant toute clause contraire écrite dans le contrat. Dans ce cas de figure, le juge belge doit faire application du droit belge exclusivement, qui est habituellement qualifiée d’impérative[7]. Ces mécanismes ne sont pas anodins, lorsqu’on sait à quel point le droit belge favorise le concessionnaire aux dépens du concédant.
En conclusion :
L’agent et le concessionnaire établis en Belgique ont intérêt, lors de la négociation du contrat avec leur commettant et concédant à l’étranger, à ne pas aborder la question du droit applicable dans le contrat puisque, à défaut de choix du droit applicable, les règles issues des textes européens et belges leur sont favorables.
A l’inverse, le concédant et le commettant devront veiller, si la législation de l’Etat sur le territoire duquel leur partenaire est installé ne leur semble pas favorable, à prévoir expressis verbis, dans la convention, l’application du droit de leur choix. Pour un concédant belge, il faut relever que, la plupart du temps, les droits étrangers ne connaissent pas d’équivalent de la loi belge : le concessionnaire étranger d’un concédant belge ne bénéficiera en principe pas d’une protection aussi importante qu’un concessionnaire belge. En revanche, la réglementation en matière d’agence est issue d’une directive : l’ensemble des droits de l’Union européenne sont protecteurs de l’agent, mais à des degrés différents.
A noter que, pour asseoir leur choix de droit applicable et limiter les risques d’application d’un autre droit, les parties, en cas de litige, ont intérêt à le faire trancher par les tribunaux situés dans le pays dont elles ont choisi le droit. Mais le choix ou la désignation du juge compétent, en cas de conflit, est un autre sujet qui mérite à lui seul une autre « brève ».
[1] Directive 86/653/EEG du Conseil.
[2] Règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations contractuelles.
[3] Le règlement Rome I s’applique aux contrats conclus après le 17 décembre 2009. La convention de Rome, elle, continue de s’appliquer aux contrats conclus avant cette date.
[4] Article 3 de la Convention de Rome; article 3 du règlement Rome I.
[5] Article 4 de la Convention de Rome et article 4 du règlement Rome I.
[6] Arrêt du 17 octobre 2013, Affaire C-184/12, disponible sur le site internet de la Cour (http://curia.europa.eu).
[7] Article 4 de la loi du 27 juillet 1961 relative relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée.