La taxe sur les comptes-titres

Maître Florence Fassin, avocat au barreau de Liège

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L’occasion de faire le point sur cette taxe en vigueur depuis le 10 mars 2018.

La taxe sur les comptes-titres vise les personnes physiques résidentes belges titulaires de comptes-titres en Belgique et/ou à l’étranger ainsi que les personnes physiques non-résidentes belges titulaires de comptes-titres auprès d’institutions financières établies en Belgique[2]. En ce qui concerne les non-résidents belges, ils peuvent néanmoins bénéficier d’une exonération de la taxe selon leur pays de résidence[3]. Les personnes morales ne sont pas redevables de la taxe sur les comptes-titres.

Quels sont les instruments visés ?

Autant le propriétaire que le nu-propriétaire ou l’usufruitier peuvent être considérés « titulaires » d’un compte-titres[4]. Sous cette dernière expression, la loi rassemble une série limitée d’instruments financiers[5] : les actions cotées en bourse ou non et certificats d’actions, les obligations cotées en bourse ou non et certificats d’obligations, les parts dans des fonds communs de placement ou des actions de sociétés d’investissement cotées en bourse ou non, les bons de caisse et les warrants. La taxe sur les comptes-titres ne vise donc pas les autres instruments financiers tels que les fonds d’épargne-pension ou encore les assurances-vie, ce qui peut conduire à devoir opérer une ventilation entre les différents instruments financiers d’un même compte-titres.

La loi du 07 février 2018 précise que « chaque apport d’un compte-titres, ayant lieu à partir du 1er janvier 2018, dans une personne morale soumise à l’impôt des sociétés dans le seul but d’échapper à la taxe a pour conséquence que l’apporteur de ce compte-titres est considéré comme le titulaire du compte-titres qui a été apporté »[6].

500 000 €

La taxe est due lorsque le redevable dispose des instruments financiers visés sur un ou plusieurs compte(s)-titres pour une valeur d’au moins 500 000 €[7]. Il s’agit d’une valeur moyenne, laquelle est établie à partir de quatre points de référence fixés au cours d’une période de référence qui commence le 1er octobre et se termine le 30 septembre de l’année suivante[8]. Constituent les quatre points de référence le 31 mars, le 30 juin, le 30 septembre et le 31 décembre[9].

A ces points de référence «ordinaires» ont été ajoutés des points de référence «complémentaires», à savoir l’ouverture et la clôture du compte-titres de même que toute modification de celui-ci notamment au niveau de la titularité du compte-titres[10]. Si la moyenne des valeurs comptabilisées à ces différents points de référence atteint 500 000 €, la taxe est due.

Par exception, la première période de référence s’étend depuis l’entrée en vigueur de la loi établissant la taxe sur les comptes-titres, soit le 10 mars 2018, jusqu’au 30 septembre 2018 raison pour laquelle le sujet est revenu dans l’actualité de ce mois d’octobre[11].

Il est à noter qu’au mois de mai 2018, l’Administration fiscale a adopté une circulaire 2018/C/65 afin de lister « des exemples de situations particulières quant à la détermination des points de références ainsi qu’au calcul de la valeur moyenne comme base imposable » [12].

Le taux de la taxe a été fixé à 0,15%[13]. La taxe est applicable sur la somme totale détenue et non sur le montant excédant le seuil de 500 000 €.

Au terme de la période imposable, si le seuil de 500 000 € est atteint par une personne physique auprès d’une institution financière belge, celle-ci retient automatiquement la taxe. Le cas échéant, le prélèvement est libératoire[14]. Une personne physique peut également être concernée par la taxe eu égard à l’ensemble des comptes-titres qu’elle détient, même si elle n’atteint pas le seuil de 500 000 € auprès d’une seule institution financière. Elle peut alors opter pour la retenue libératoire de celle-ci par l’organisme financier[15]. Si elle ne le fait pas, elle devra introduire une déclaration par le biais de la plateforme électronique « MyMinfin » et s’acquitter elle-même de la taxe au plus tard le 31 août de l’année suivant celle où les conditions d’assujettissement sont réunies[16].

Déclaration fiscale

Chaque redevable a l’obligation de mentionner dans sa déclaration fiscale annuelle, soit à l’impôt des personnes physiques, soit à l’impôt des non-résidents, le(s) compte(s)-titres concerné(s) par la taxe dont il est titulaire[17]. En cas de non-respect de cette obligation de déclaration, le contribuable risquera de se voir infliger une amende allant de 10 à 200% du montant de la taxe selon la nature et la gravité de l’infraction et des intérêts de retard[18]. Il risquera également une amende allant de 750 à 2 500 € en cas d’absence de communication ou communication fautive de renseignements qui seraient demandés par l’Administration fiscale en vue d’assurer la juste perception de la taxe[19].

Sept recours en suspension et en annulation ont été introduits auprès de la Cour constitutionnelle à l’encontre de la taxe sur les comptes-titres suite à son entrée en vigueur.

La Cour a rendu un premier arrêt ce 19 juillet 2018[20], rejetant la demande de suspension de la loi du 7 février 2018. Il faudra rester attentif à partir de la seconde moitié de l’année 2019, période au cours de laquelle les autres décisions de la Cour sont attendues.

 

[1] Article 151 du Code des droits et taxes divers.

[2] Article 152, al. 1, 1°, a) du Code des droits et taxes divers.

[3] Prévoient cette exonération notamment l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Espagne.

[4] Article 152, al. 1, 5° du Code des droits et taxes divers.

[5] Article 152, 2° du Code des droits et taxes divers.

[6] Article 152, al. 1, 5° du Code des droits et taxes divers.

[7] Article 151 du Code des droits et taxes divers.

[8] Articles 152, al. 1, 6° et 154, §1er, 2° et 3° du Code des droits et taxes divers.

[9] Article 154, §1er, 1° du Code des droits et taxes divers.

[10] Article 154, §2 du Code des droits et taxes divers.

[11] En effet, l’article 156 du Code des droits et taxes divers dispose que « la taxe est due le premier jour qui suit la fin de la période de référence ».

[12] Circulaire 2018/C/65, SPF Finances, 25 mai 2018. L’objectif de cette circulaire est d’apporter plus de clarté s’agissant des conditions d’application de la taxe, du calcul de celle-ci, des obligations respectives des institutions financières et des contribuables concernés ainsi que du remplissage et du dépôt de la déclaration par ces derniers. Pour plus de détails, l’auteur renvoie au texte de la circulaire.

[13] Article 153 du Code des droits et taxes divers.

[14] C’est l’organisme financier qui se charge de la déclaration et du paiement de la taxe après retenue de celle-ci. Voy. Articles 157, 1° et 158/3 du Code des droits et taxes divers.

[15] On parle d’« opt-in ». Voy. Article 157, 2° du Code des droits et taxes divers.

[16] Articles 158/1 et 158/4, §1er du Code des droits et taxes divers.

[17] Articles 307/1, al. 1, point e) et 307/5 du Code des impôts sur les revenus.

[18] Article 158/3, §2 et 158/4, §3 du Code des droits et taxes divers.

[19] Article 158/6 du Code des droits et taxes divers.

[20] C. Const., n°110/2018, 19 juillet 2018. Pour plus de détails et l’exposé des arguments des parties et des motifs de la Cour, l’auteur renvoie au taxe de l’arrêt.