Share on
La réserve de liquidation : nouvelle opportunité pour les associés de sociétés PME ?
Qu’est-ce que la réserve de liquidation ?
L’affectation à une «réserve de liquidation» (nouvelle réserve comptable instaurée par la loi-programme du 19 décembre 2014) permet aux petites et moyennes entreprises d’affecter tout ou partie de leurs bénéfices comptables de l’exercice - après prélèvement de l’impôt – à un compte distinct du passif, dénommé «réserve de liquidation».
Cette possibilité d’affectation des résultats doit avoir lieu dans le cadre de la clôture des comptes annuels et constitue une alternative à un report en bénéfices reportés ou à une mise en réserves disponibles ordinaires, ou encore à un distribution immédiate de dividendes (soumise actuellement à la retenue d’un précompte mobilier de 25% sauf exceptions).
Cette mesure est entrée en vigueur dès l’exercice d’imposition 2015 (bilans clôturés entre le 31 décembre 2014 et le 30 décembre 2015), ce qui permet d’intégrer d’urgence, lors de la finalisation de la clôture des comptes annuels au 31 décembre 2014, les perspectives d’optimalisation qu’elle offre.
Quelles sont les sociétés qui peuvent créer cette réserve de liquidation ?
La réserve de liquidation est une mesure prévue exclusivement au bénéfice des sociétés et entreprises répondant au prescrit de l’article 15 du Code des sociétés.
Sont considérées comme étant des « petites sociétés », les sociétés dotées de la personnalité juridique qui, pour le dernier exercice et l’avant-dernier exercice clôturé, ne dépassent pas plus d’une des limites suivantes :
- 50 travailleurs occupés, en moyenne annuelle ;
- 7.300.000 Euros à titre de chiffre d’affaires annuel, hors taxe sur la valeur ajoutée ;
- 3.650.000 Euros pour l’ensemble du bilan de la société ;
Néanmoins, si le nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle, dépasse 100, la société est considérée automatiquement comme une grande société.
Quelles sont les modalités à suivre pour bénéficier de cette mesure ?
Les modalités à suivre sont extrêmement simples puisqu’il s’agit d’une comptabilisation qui doit avoir lieu lors des opérations des affectations des résultats annuels après impôt. Les sociétés qui optent pour la mesure doivent constituer une réserve de liquidation à un ou plusieurs comptes distincts du passif. Les fonds constituant cette réserve sont soumis à une condition d’intangibilité ; ils ne peuvent en aucun cas servir de base au calcul de rémunérations ou autres attributions.
L’affectation de bénéfices à la réserve de liquidation donnera cependant lieu à l’application d’une nouvelle cotisation distincte de 10% pour la période imposable au cours de laquelle elle est constituée. Cette cotisation est un impôt non déductible. Elle sera payable endéans les deux mois de la réception de l’avertissement-extrait de rôle à l’impôt des sociétés consécutif à la rentrée de la déclaration fiscale pour l’exercice comptable concerné.
Quel est l’intérêt pour les associés ou actionnaires de procéder à l’affectation de bénéfices à la réserve spéciale de liquidation ?
Le taux de précompte mobilier applicable aux boni de liquidation a été modifié (par la loi-programme du 28 juin 2013) et est ainsi passé de 10% à 25% depuis le 1er octobre 2014.
La nouvelle loi-programme du 19 décembre 2014 permet aux associés de sociétés répondant au prescrit de l’article 15 du Code des sociétés d’éviter de subir, à terme, la retenue d’un précompte mobilier de 25% des boni de liquidation, lorsque ces bonis seront prélevés sur la réserve spéciale de liquidation.
Ainsi, aucun précompte mobilier ne sera exigible lors de la liquidation de la société, sur la partie des boni de liquidation provenant de la réserve de liquidation. Sur base du texte légal, en cas de liquidation non simulée de la société, ce régime sera d’application même si la liquidation devait intervenir peu de temps après la décision d’affectation à la réserve spéciale.
Que se passe-t-il en cas d’attribution de dividendes provenant de prélèvements effectués sur la réserve spéciale en dehors de toute opération de liquidation ?
Il faut distinguer la situation selon le moment auquel a lieu le prélèvement sur la réserve spéciale en identifiant parmi celle-ci le moment auquel l’affectation des réserves a été faite.
Si le prélèvement s’impute sur des montants affectés en réserve de liquidation depuis moins de 5 ans, les sommes distribuées seront qualifiées de dividendes et seront soumises à un précompte mobilier au taux de 15%.
En conséquence, la charge fiscale totale liée à ces distributions sera de 25 %, puisqu’elle comprendra la cotisation distincte de 10% lors de la constitution de la réserve de liquidation et la retenue à la source de 15% de précompte mobilier lors de l’attribution du dividende.
Si le prélèvement s’impute sur des montants affectés en réserve de liquidation depuis plus de 5 ans, les sommes distribuées seront qualifiées de dividendes et seront soumises à un précompte mobilier au taux de 5%.
Dans ce cas, la charge fiscale totale liée à ces distributions ne sera plus que de 15 %, à savoir la charge de la cotisation distincte de 10% lors de la constitution de la réserve de liquidation cumulée à la charge de la retenue à la source de 5% de précompte mobilier lors de l’attribution.
De manière avantageuse pour le contribuable, la loi prévoit que les réserves qui sont censées être distribuées les premières sont les plus anciennes.
Comment optimaliser ?
Cette nouvelle catégorie de fonds propres comptables et fiscaux vient compléter un ensemble de règles entrées en vigueur depuis 2013 et ouvre des possibilités d’optimalisations intéressantes selon les cas.
A côté des cas de précomptes réduits jusqu’à 15 % sur les dividendes de sociétés PME ayant procédé à un apport en numéraire à partir du 1er juillet 2013, et outre les règles spéciales transitoires connexes au relèvement du taux de précompte mobilier à 25 % sur le boni de liquidation (réserves « article 537 CIR ») et les possibilités de procéder à des réductions de capital sans subir de charge fiscale supplémentaire dans le chef des associés ou actionnaires, la décision d’affecter tout ou partie des bénéfices après impôts à la réserve spéciale de liquidation doit être examinée au cas par cas.
Une décision d’affectation à cette réserve sera a priori une décision à recommander pour les sociétés unipersonnelles ou celles, ayant un nombre réduit d’associés dont la perspective de cessation d’activité n’est pas trop éloignée dans le temps. Puisque cette décision impliquera une anticipation du moment du paiement de l’impôt, au plus la perspective de procéder à une liquidation sera éloignée, au plus la charge anticipée de la cotisation de 10 % risquera de peser en termes de comparaison du coût fiscal actualisé.
Par ailleurs, il faut que la société dispose des liquidités ou des capacités de financement suffisantes pour payer la cotisation distincte de 10 % pour choisir sereinement l’option de l’affectation à la réserve de liquidation comme alternative à toute autre décision d’affectation des résultats.
Enfin, cette décision devra aussi utilement avoir égard au type d’associés de la société. Elle ne présente en réalité de l’intérêt que s’il est hautement probable que, au moment de la liquidation, la majorité des associés seront des personnes physiques, puisque, dans leur chef, le précompte mobilier applicable aux bonis de liquidation est un impôt définitif, contrairement aux sociétés qui sont associées ou actionnaires.