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La loi sur l’information précontractuelle a dix ans… Mais finalement, qui est concerné ? (1ere partie)
Le législateur a imposé une obligation d’information préalablement à la conclusion d’accords de partenariat commercial. Il s’agit d’une nouvelle notion qui a été introduite dans notre droit par la loi du 19 décembre 2005. De quoi s’agit-il ? Quels contrats sont concernés ?
1. Rappel : les objectifs de la loi et les principales dispositions
En adoptant la loi du 19 décembre 2005 relative à l'information précontractuelle dans le cadre d'accords de partenariat commercial, le législateur entendait remédier à des abus constatés dans certains réseaux de distribution commerciale.
L’option choisie n’a pas été de règlementer certains contrats de distribution, mais de réglementer la phase précontractuelle qui, jusqu’alors, ne faisait pas l’objet de dispositions spécifiques et ce en protégeant la partie estimée faible c’est-à-dire la personne qui reçoit le droit d’utiliser une formule commerciale lors de la vente de produits ou la fourniture de services (tel le franchisé, le concessionnaire, …).
Il s’agissait d’établir un équilibre entre les parties au contrat qui sera conclu ultérieurement, afin de permettre au futur partenaire de s’engager en connaissance de cause.
En synthèse :
- Une obligation d’information précontractuelle a ainsi été prévue qui consiste dans l’envoi, un mois avant la conclusion du contrat, du projet de contrat et d’un document d’information précontractuelle (DIP) contenant toute une série de mentions énumérées par la loi (le DIP se compose de deux parties, l’une juridique reprenant certaines clauses qualifiées d’importantes de l’accord, l’autre contenant des informations d’ordre économique afin de permettre une appréciation correcte de l’accord de partenariat).
- Durant cette période de réflexion d’un mois, aucune obligation ne peut être prise, aucune rémunération, somme ou caution ne peut être demandée ou payée[1].
- Les sanctions en cas de non-respect des obligations imposées par la loi sont sévères puisqu’il s’agit soit de la ité du contrat lui-même, soit de la ité d’une des clauses importantes.
2. Le champ d’application
Le législateur de 2005 n’avait pas entendu limiter le champ d’application de la loi de 2005 à un ou plusieurs types de contrat en particulier mais au contraire donner à la loi un champ large afin de «cerner une multitude de formes de collaboration commerciale » et d’inclure « de nouvelles formules qui pourraient se développer à l’avenir»[2].
Le législateur a en conséquence introduit dans notre droit une notion nouvelle : le partenariat commercial qui était défini à l’article 2 de la loi de 2005 [3].
Cette définition a entraîné d’emblée d’interminables discussions dont la moindre n’était pas celle relative à la portée à donner à la phrase « agissant chacune en son propre nom et pour son propre compte ». La réponse à cette question ayant pour conséquence d’exclure du champ d’application de la loi le contrat d’agence.
Les Cours et Tribunaux se sont prononcés en sens divers entraînant ainsi une insécurité juridique :
- Dans un arrêt du 27 juin 2013 (JLMB, 2013, p. 1891), la Cour d’Appel de Liège dit que la condition d’agir en son propre nom et pour son propre compte ne vise que la phase précontractuelle, c’est-à-dire qu’il faut que la partie qui reçoit le droit négocie le contrat pour elle-même et non pas au nom ou pour compte d’un tiers. Le contrat d’agence peut donc être concerné.
- Par contre, dans un jugement du 29 avril 2014 (JT 2015, p. 298), le Tribunal de Commerce Francophone de Bruxelles dit qu’une des conditions d’application de la loi est que le partenaire commercial agisse en son nom et pour son propre compte et cette condition est incompatible avec la définition du contrat d’agence[4]. Le Tribunal exclut dès lors l’application de la loi du 19 décembre 2005 dans l’hypothèse de la négociation d’un contrat d’agence commerciale.
3. La modification de la définition du partenariat commercial apportée par le Code de droit économique
Lors de l’adoption du Code de droit économique, les dispositions de la loi du 19 décembre 2005 ont été insérées dans le livre X du Code. Cette insertion a été l’occasion d’apporter certaines modifications afin de remédier aux difficultés d’application de la loi de 2005.
Nous nous limiterons à l’examen de la nouvelle définition du partenariat commercial.
Les modifications apportées aux dispositions relatives à l’information précontractuelle sont celles qui avaient été suggérées par la Commission d’Arbitrage dans ses différents avis[5].
Cette commission porte sans doute mal son nom puisqu’il s’agit en fait plus d’une commission chargée de donner des avis sur l’interprétation et l’application de la loi sur l’information précontractuelle (art 2 de l’AR du 1er juillet 2006).
4. La nouvelle définition du partenariat commercial
Si l’obligation d’information vise toujours les accords de partenariat commercial, l’article I.11 2° du livre I du Code de droit économique a supprimé de la définition de l’accord les mots « qui agissent chacune en son nom propre et pour son propre compte », ainsi que la notion de rémunération qui constituait la contrepartie du droit d’utiliser une formule commerciale tandis que les termes « accord conclu entre entre deux personnes » sont remplacés par « accord conclu entre plusieurs personnes » [6].
L’article I.11.2° définit l’accord de partenariat commercial comme l’ « accord conclu entre plusieurs personnes, par lequel une de ces personnes octroie à l'autre le droit d'utiliser lors de la vente de produits ou de la fourniture de services, une formule commerciale sous une ou plusieurs des formes suivantes : une enseigne commune, un nom commercial commun, un transfert d'un savoir-faire, une assistance commerciale ou technique ».
Cela paraît désormais incontestable, le contrat d’agence est donc maintenant potentiellement concerné par les dispositions sur l’information précontractuelle, mais l’article X26 du Code de droit économique a toutefois exclu du champ d’application deux types de contrats d’agence : les contrats d’agence d’assurance et d’agence bancaire soumis respectivement aux lois des 27 mars 1995 et 22 mars 2006 (la raison retenue par le législateur est que ces contrats font déjà l’objet d’une législation spécifique qui apporte des garanties à la personne qui reçoit le droit).
A suivre …
[1] Sauf, depuis les modifications apportées à l’occasion de l’insertion de la loi dans le Code de Droit Economique, la possibilité de prévoir des obligations dans le cadre d’un accord de confidentialité.
[2] Doc.51, 1687/001
[3] L’article 2 de la loi du 19 décembre 2005 dit qu’elle s’applique « aux accords de partenariat commercial conclus entre deux personnes, qui agissent chacune en son propre nom et pour son propre compte, par laquelle une de ces personnes octroie à l’autre le droit, en contrepartie d’une rémunération (de quelque nature qu’elle soit, directe ou indirecte) d’utiliser lors de la vente de produits ou de la production fourniture de services, une formule commerciale sous une ou plusieurs des formes suivantes : une enseigne commune, un nom commercial commun, un transfert d’un savoir-faire, une assistance commerciale ou technique. »
[4] Dans son jugement, le Tribunal cite également une décision dans le même sens de la Cour d’Appel de Bruxelles du 4 octobre 2012, inédite.
[5] La Commission d’Arbitrage a rendu, à ce jour, quinze avis qui peuvent être consultés sur le site du SPF Economie : http://economie.fgov.be/fr/entreprises/reglementation_de_marche/Pratiques_commerce/Franchise/avis_commission_arbitrage/#.VTSkrGccTDc
Les avis contenant des propositions de modifications de la loi de 2005 sont les avis numérotés 1 à 12.
[6] Le contrat d’agence est donc maintenant potentiellement pour autant qu’il y ait une formule commerciale.