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Heures de fermeture et repos hebdomadaire obligatoires : entre principe et exceptions
C’est la loi du 10 novembre 2006 qui règlemente les heures d’ouverture et jour de repos imposés dans les secteurs du commerce, de l’artisanat et des services. Mais en prévoyant de multiples exceptions et dérogations au régime obligatoire qu’elle instaure, la loi s’expose au risque de verser dans la discrimination.
L’objectif de la loi du 10 novembre 2006 est de préserver l’équilibre entre la vie privée des commerçants indépendants et l’intérêt des consommateurs, en instaurant, pour les secteurs concernés, un régime minimal obligatoire, tout en veillant à ne pas entraver inutilement le jeu de la libre concurrence. Tel était le but défini dans les travaux parlementaires et résumé par la Cour constitutionnelle dans un arrêt assez récent du 9 octobre 2014.
Les contraintes légales s’appliquent principalement aux commerces de détail, ainsi qu’aux magasins de nuit et aux phone-shops. Le Roi peut étendre son champ d’application à certains services qu’il désigne mais à ce jour, il n’a pas fait usage de cette faculté.
En distinguant selon certains critères, la loi (articles 6 et 7) fixe les heures auxquelles l’accès aux consommateurs et la vente directe de produits ou de services sont interdits. Elle détermine également les obligations en matière de repos hebdomadaire en interdisant l’accès du consommateur, la vente directe de produits ou services à celui-ci et des livraisons à domicile pendant une période ininterrompue minimum de 24 heures. C’est en principe le dimanche, mais tout commerçant peut choisir de fermer un autre jour, pour autant qu’il le mentionne clairement à l’extérieur de son établissement.
La notion de commerce de détail implique la vente de marchandises à un consommateur physiquement présent dans l’établissement. En sont donc exclus le commerce de gros, le secteur Horeca, l’hôtellerie, les campings, les débits de boissons et toutes les entreprises de commerce en ligne.
Trop d’exceptions ?
La loi met en place un mécanisme de contrainte systématique : tous les établissements qui entrent dans son application sont, en principe, tenus de respecter les heures d’ouverture imposées et de fermer leurs portes un jour par semaine.
Toutefois, la loi elle-même prévoit expressément ou autorise de facto un grand nombre d’exceptions et de dérogations, au point de poser question : la règle de principe n’en devient-elle pas dénaturée, au préjudice d’une concurrence loyale ?
Nous épinglerons ci-dessous quelques exemples de situations problématiques.
Quid des activités mixtes ?
Comme souligné plus haut, le Roi n’a pas encore utilisé la faculté d’étendre les obligations légales à certains prestataires de services, lesquels restent donc libres de fixer leurs heures d’ouverture et de prévoir ou non un jour de fermeture hebdomadaire.
Qu’en est-il pour les établissements dont l’activité est mixte, c'est-à-dire qu’elle se partage entre la prestation de services et la vente de produits ?
Prenons l’exemple d’un car-wash associé à un magasin de pièces détachées. Selon l’activité qui sera considérée comme principale, en fonction de la répartition du chiffre d’affaires entre les deux branches d’activité, l’exploitation sera soumise aux restrictions légales ou y échappera. Alors que tout exploitant d’un « simple » car-wash ne sera pas soumis à la loi.
D’autre part, il est parfois bien difficile de distinguer les deux pans d’un même établissement. Par exemple, un marchand de pneus vend bien sûr des pneus, mais ce n’est pas tout : il les monte, les répare, conserve et alterne les pneus de saisons, réalise des équilibrages et des géométries, etc. Sans doute le chiffre d’affaires proprement dit est-il majoritairement lié à la vente de pneus, mais il ne vit que de la marge bénéficiaire sur celle-ci et en termes de résultats, il n’est pas nécessairement si simple de déterminer qui du commerce ou du service est le plus lucratif.
Concurrence déloyale ?
Le chapitre 4 de la loi prévoit de nombreuses dérogations aux heures de fermeture et au repos hebdomadaire obligatoires en fonction du lieu de la vente ou de la nature de l’activité principale de certaines unités d’établissements. En outre, les exceptions et dérogations peuvent être complétées par simple arrêté royal, comme c’est par exemple le cas pour le secteur de la vente de véhicules automobiles neufs et d’occasion (arrêté royal du 7 juin 2007).
La Cour constitutionnelle, notamment dans l’arrêt précité du 9 octobre 2014, a validé la dérogation légale dont bénéficient les stations-services, les librairies, les vidéoclubs, les vendeurs de glaces et les vendeurs de denrées alimentaires préparées dans l’unité d’établissement et qui n’y sont pas consommées. Quant aux dérogations fondées sur la localisation particulière de l’établissement, dont principalement les commerces implantés sur les aires d’autoroutes, la Cour constitutionnelle avait déjà considéré par le passé qu’elles étaient admissibles.
Ces dérogations ne créent-elles pas un régime discriminatoire lorsque, par exemple, un fleuriste est obligé de prévoir un jour hebdomadaire de fermeture alors qu’un shop de station-service peut vendre librement des fleurs 7 jours sur 7 dès lors que cette activité n’est jamais qu’accessoire à la vente de carburant ?
La Cour constitutionnelle a tranché la question. Elle estime que la distinction repose sur un critère objectif et pertinent, de sorte que toutes ces dérogations ne sont pas anticonstitutionnelles.
Dans le même arrêt, la Cour a également considéré que n’était pas discriminatoire la distinction opérée entre la vente au détail (physique) et la vente en ligne, ces derniers opérateurs n’étant pas visés par la loi. Elle a notamment souligné que dans la mesure où l’interdiction légale frappe uniquement l’ouverture au public de l’établissement, elle n’empêche aucunement l’exploitant d’affecter ce jour de repos à d’autres tâches professionnelles s’il le souhaite, comme par exemple la facturation, la comptabilité ou la gestion de ses éventuelles activités de vente en ligne.
Certains commerces favorisés ?
Enfin, rappelons également qu’en marge des dérogations prévues par la loi ou par arrêté royal, le Collège communal peut aussi accorder jusqu’à 15 dérogations par an à des unités d’établissements situés sur le territoire de la commune.
Les dérogations ainsi octroyées au cas par cas sont du véritable « sur mesure » et forcément, leur mise en œuvre est extrêmement délicate puisque le risque est énorme que le bénéficiaire soit favorisé à l’excès par rapport à ses concurrents.
En conclusion, retenons donc qu’il n’est pas simple d’appliquer la loi du 10 novembre 2006 relative aux heures d’ouverture et au jour de repos obligatoire. Dans quelle mesure un établissement est-il soumis aux contraintes légales ? Peut-il ou non bénéficier d’une des nombreuses dérogations légales ou règlementaires ? Comme identifier ses obligations en cas d’activité mixte ? N’y a-t-il pas concurrence déloyale de la part d’autres opérateurs qui ne respecteraient pas les obligations légales ? Quelle que soit la question qu’il se pose, le commerçant sera bien avisé de se faire aider d’un homme de loi pour y répondre car le seul texte légal sera souvent insuffisant, tant la jurisprudence qui s’est développée à son propos est importante.