Droit de la circulation routière : le retour du renvoi dos à dos

 

Maître Eric Delfosse, avocat au barreau de Liège

 

La preuve que le demandeur en indemnisation doit rapporter dépend des pièces qu’il est en mesure de produire. Il s’agit généralement d’un constat d’accident, d’un PV de police, d’attestations de témoins, …

Il se peut cependant que les documents de preuve produits ne permettent pas d’établir avec le degré de certitude requis la responsabilité du conducteur adverse, à qui il est demandé réparation, sans toutefois que la responsabilité de celui qui demande indemnisation ne soit établie.

En cette hypothèse, il sera considéré qu’il n’est pas possible de déterminer les responsabilités de l’accident. Aucun conducteur ne sera déclaré responsable et, par voie de conséquence, aucun conducteur ne sera indemnisé. C’est ce qu’on appelle communément le renvoi dos à dos : hypothèse dans laquelle chaque partie supporte son propre dommage.

Cependant, suite à plusieurs arrêts de principe prononcés successivement par la Cour Constitutionnelle et la Cour de cassation, certaines juridictions ont admis que les parties impliquées dans un accident ont le droit d’être indemnisées intégralement de leur dommage lorsqu’il n’est pas possible de déterminer les responsabilités de l’accident.

Cette jurisprudence, qui trouve son fondement dans l’article 19bis -11 §2 de la loi du21.11.1989, a ceci de particulier qu’elle institue un système d’indemnisation spécifique dérogatoire au droit commun lequel, comme expliqué ci-dessus, exige en principe, pour être indemnisé, de faire la démonstration de la responsabilité de celui à qui il est demandé réparation ; exigence non requise dans le cadre de l’article 19bis – 11 §2.

Cette jurisprudence était de nature à faire disparaitre le renvoi dos à dos puisque dans l’hypothèse où il ne serait pas possible de déterminer les responsabilités, chaque conducteur impliqué serait en droit d’obtenir l’indemnisation intégrale de son dommage à charge des assureurs des véhicules impliqués dans l’accident.

Cette interprétation jurisprudentielle est cependant contraire au vœu du législateur, qui n’a pas entendu, en rédigeant l’article 19bis -11 §2, permettre l’indemnisation de conducteurs potentiellement responsables de l’accident.

Le législateur est donc intervenu en supprimant, par une loi du 31 mai 2017, l’article 19bis -11 §2, article qu’il remplace par un nouvel article 29ter.

Cette nouvelle loi remet à l’ordre du jour le renvoi dos à dos puisqu’il ne permet plus, à tout le moins pour les accidents postérieurs au 22 juin 2017, à une partie potentiellement responsable d’un accident d’obtenir l’indemnisation de son dommage.

La seule exception à ce « nouveau » principe concerne les victimes qui sont « innocentes », c’est-à-dire les victimes dont il est établi qu’elles ne sont pas responsables de l’accident. Ces victimes pourront continuer à bénéficier d’une indemnisation sans nécessairement devoir prouver la responsabilité d’un des conducteurs impliqué dans l’accident.

Nos conseils :
 

  1. Être attentif lors de la rédaction d’un constat d’accident ou lors d’une déposition en veillant à ce que les circonstances décrites correspondent à la réalité
     
  2. Consulter un avocat spécialisé en droit de la circulation routière dans l’hypothèse ou vos droits ne seraient pas reconnus