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Déposer un brevet en Europe va coûter moins cher… Le brevet unitaire est arrivé !
Indépendamment du coût induit par ces démarches, notamment en termes de traduction et de frais d’agents en brevets locaux, ce faisceau de brevets nationaux impose au titulaire de brevet, notamment, de poursuivre les contrefaçons dans chacun des pays nationaux, ce qui, au-delà du risque de décisions divergentes, induit des coûts de procédure élevés.
Une importante réforme, en cours de ratification dans les États membres, crée désormais un véritable brevet unitaire, valable sur l’ensemble du territoire européen, ainsi qu’une juridiction unifiée des brevets. Il était temps !
L’avènement du brevet «unitaire» est intrinsèquement lié à la création de la «juridiction unifiée des brevets». L’entrée en vigueur des deux Règlements européens relatifs à la protection unitaire conférée par ce nouveau type de brevets est d’ailleurs subordonnée à la création de cette « juridiction unifiée »([1]). L'Accord relatif à cette juridiction unifiée a été signé le 19 février 2013 par 25 États membres de l'Union européenne (2). Il doit être ratifié par au moins treize États avant d’entrer en vigueur (3).
Où siègera la «juridiction unifiée des brevets » ?
La juridiction unifiée en matière de brevets sera composée d’un tribunal de première instance, d’une cour d'appel et d’un greffe. Le tribunal de première instance comprendra une division centrale (avec un siège à Paris, à Londres et Munich) ainsi que plusieurs divisions locales et régionales dans les États membres parties à l'accord. La cour d'appel aura son siège à Luxembourg.
Quels sont les avantages d’une « juridiction unifiée » ?
D’abord, la création d’une juridiction unifiée permettra la mise en place d’un véritable brevet unitaire, ce qui réduira de manière substantielle les coûts de délivrance du brevet. Il ne sera plus nécessaire de solliciter de multiple traduction (une seule sera nécessaire : en français, anglais ou allemand). Une seule taxe de délivrance devra être payée ; il en va de même pour les annuités.
Selon une étude de la Commission européenne, les coûts de délivrance moyens du brevet européen s’élèvent aujourd’hui à 32.119 € et seront réduits à 4.725 € grâce au nouveau brevet unitaire (4).
Par ailleurs, les juridictions des États parties à la Convention sur le brevet européen sont aujourd’hui seules compétentes pour statuer sur la contrefaçon et la validité des brevets européens. Ceci a pour conséquence d’induire des coûts de procédure élevés et engendre une insécurité juridique alimentée, notamment, par le risque non négligeable de voir un tribunal décider dans un État « X » que le brevet est valable et que la contrefaçon est avérée, alors qu’un tribunal d’un État « Y » a décidé que le brevet était nul, en tout ou en partie, ou qu’il est valable, mais que la contrefaçon n’est pas établie.
De même, cet éclatement des compétences dans le contentieux du droit des brevets a inévitablement induit un « forum shopping » qui a conduit les parties à un litige à choisir un juge (et pas nécessairement son juge national !) plus spécialisé (5) plus enclin à une interprétation souple de la Convention sur le brevet européen, voire des directives de l’Office européen des brevets, ou simplement plus diligent ou encore dont la jurisprudence est connue pour allouer des dommages et intérêts plus élevés.
Désormais, la juridiction unifiée en matière de brevets sera seule compétente régler les litiges liés aux brevets européens et aux brevets européens à effet unitaire (brevets unitaires). Le contentieux sera désormais centralisé, ce qui réduira les coûts et évitera d’aboutir à des décisions inconciliables. Par ailleurs, les magistrats de la nouvelle juridiction unifiée seront des juges spécialisés.
Mise en garde
Aujourd’hui, il n'est possible d'attaquer la validité d’un brevet que dans chaque pays individuellement. Il en va de même en cas de contrefaçon (sous réserve des disposition particulières permettant la saisie en douane). Lorsqu'un brevet européen est annulé dans un pays, il reste en vigueur dans les autres pays. Les brevets européens de votre entreprise délivrés antérieurement à l’entrée en vigueur du brevet « unitaire » pourront désormais être attaqués devant cette juridiction unifiée ; la décision prononcée par cette juridiction produira ses effets dans l’ensemble des pays dans lesquels vous avez sollicité la protection de votre brevet européen, quand bien même ce brevet n’ait pas été délivré sur la base de la protection unitaire.
Pour échapper à cette centralisation, il est possible, pendant une période transitoire de sept ans d’opter pour l'ancien système (« opt out ») ; ce choix peut être révoqué à tout moment, pour autant qu’une action judiciaire n’ait pas déjà été engagée devant la juridiction unifiée ; cela signifie le titulaire du brevet pourra décider de ne pas soumettre ses brevets à la juridiction unifiée des brevets. S’il fait ce choix, son brevet ne pourra en effet être attaqué que dans chacun des pays pour lesquels le brevet européen a été délivré. Par contre, en principe, il perdra également le bénéfice de la juridiction unifiée en cas d’atteinte à son brevet…
La création du brevet unitaire et la centralisation du contentieux relatif au brevet dans les mains de la «juridiction unifiée des brevets» rend aujourd’hui, plus nécessaire encore, une réflexion sur la stratégie à mettre en place pour protéger son patrimoine intellectuel. Un brevet est-il nécessaire ? Possible ? Dois-je faire le choix du brevet unitaire ? Quels en seront, in concreto, les avantages et les inconvénients ? Dois-je solliciter l’opt-out pour mes brevets actuels ? Cette réflexion, aux facettes multiples, nécessite d’appréhender de manière appropriée les spécificités de votre entreprise, aujourd’hui et demain ; elle doit être envisagée en tenant compte de ce qu’un produit n’est pas l’autre, que la situation d’un brevet délivré n’est pas identique à celle d’un autre brevet de votre portefeuille, qu’une entreprise n’est pas nécessairement dans la même situation qu’une autre, concurrente ou non et qu’un secteur d’activités impose lui aussi peut-être des contraintes qui sont absentes ou différentes de celles d’un autre secteur… On ne peut donc que recommander à l’entrepreneur d’associer son avocat à ces réflexions !
[1] Règlement (UE) No 1257/2012 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet (art. 18) ; Règlement (UE) No 1260/2012 du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction (art. 7).
[2] Accord relatif à une juridiction unifiée en matière de brevets (document 16351/12, du 11 janvier 2013).
[3] A ce jour, six États ont ratifié l’Accord ; voy. http://ec.europa.eu/growth/industry/intellectual-property/industrial-property/patent/ratification/index_fr.htm
[5] Voy. notamment, en Allemagne, par exemple, le Bundepatentgericht ;