Share on
Attention à la diffusion de musique dans des locaux non ouverts au public !
Maître Damien Dessard, avocat au barreau de Liège
Lorsque l’on diffuse de la musique dans un lieu public et/ou ouvert au public, telle une salle d’attente, les sociétés de gestion de droit, comme la SABAM, sont mandatées par les auteurs (droits d’auteur) ou les interprètes (droits voisins) pour percevoir les rémunérations qui rétribuent les auteurs et artistes-interprètes de leur travail.
C’est une situation qui est maintenant connue de tous. La difficulté peut cependant résider au niveau de la diffusion dans un lieu ouvert au public ou, à tout le moins, où la musique serait audible par du public. Par ailleurs, cette notion de « public » peut également poser quelques soucis...
Qu’est-ce qu’un lieu public ouvert au public ? Qu’est-ce que le « public » ?
Il ne semble aujourd’hui plus poser de problème que la diffusion directe dans une salle d’attente à destination de clients ou de patients engendrera l’obligation, pour celui qui diffuse ladite musique, de payer des droits d’auteur et/ou voisins à l’une ou l’autre société de gestion de droits.
La situation est cependant plus délicate dans deux hypothèses : d’une part, lorsque la musique est diffusée à l’attention uniquement des employés d’une entreprise et qu’il n’y a pas de public externe qui peut en bénéficier et, d’autre part, lorsque de la musique en provenance d’un bureau jouxtant une salle d’attente est audible alors qu’aucun système de diffusion n’a été organisé dans cette salle d’attente.
Dans la seconde hypothèse, la problématique peut être vite réglée : à partir du moment où la musique est audible par des clients, même sans système spécifique de diffusion, il y aura matière au paiement de droits. Il serait en effet trop facile de tenter de vouloir échapper aux paiements des droits d’auteurs et droits voisins en se retranchant derrière l’écoute de musique par un collaborateur de l’entreprise via son GSM ou autre alors que, dans les faits, tout le monde qui « passe par là » peut en profiter.
Dans cette hypothèse, à savoir la diffusion de musique dans une salle d’attente ou un show room, les droits seront calculés sur base de la superficie de la salle d’attente ou du show room.
À titre d’exemple, les tarifs SABAM, avec déclaration préalable, au 01 juin 2017, pour une superficie comprise entre 10m2 et 100 m2 seront de 157,17 € HTVA (TVA de 6%). S’il n’y a pas de déclaration préalable, les droits seront majorés.
Demeure cependant la question de la notion de diffusion au « public ». Est-ce que les collègues de bureaux sur un open space, par exemple, constituent du « public » ou alors, peut-on invoquer l’exception de « l’usage privé » pour échapper aux droits ?
Ceci nous amène à notre première hypothèse et elle a suscité de nombreuses discussions.
Quid du personnel ?
En effet, la diffusion de musique par et pour le personnel d’une entreprise dans des locaux qui ne sont pas, en tant que tels, ouverts au public, a créé de nombreuses controverses. La situation pouvait être différente pour des entreprises avec un grand nombre de personnel, travaillant en plateau par exemple, de celle des entreprises de taille plus petite, où des liens parfois plus étroits peuvent se nouer entre membres du personnel, et qui pourraient alors justifier de l’exception de diffusion dans le cercle privé et/ou familial, pour ne pas devoir s’acquitter des droits.
En effet, la loi sur les droits d’auteur et droits voisins prévoit que la diffusion d’œuvres dans la sphère privée ou familiale, ainsi que dans tout contexte où les personnes présentent un lien social étroit, échappe au paiement de droit.
La FEB et la SABAM se sont rencontrées pour trouver un accord sur cette question, car les situations conflictuelles étaient nombreuses. Un premier accord octroyant des tarifs préférentiels aux entreprises qui déclaraient diffuser de la musique sur le lieu de travail a ainsi été dégagé. Selon cet accord, étaient exemptées du paiement des droits, les entreprises familiales où les travailleurs possèdent un lien de parenté, ainsi que les entreprises dont le nombre de travailleurs ne dépasse pas un certain seuil. Ces critères, surtout celui d’entreprises familiales, n’étaient pas assez objectifs.
Dès lors, le seul critère qui a été conservé est celui du nombre d’équivalents temps plein dans l’entreprise. Le seuil d’exemption est de 8 équivalents temps plein.
En conséquence, si votre entreprise compte plus de 8 équivalents temps plein et que de la musique est écoutée par l’un des membres de votre équipe, des droits seront à payer. Il est alors préférable de procéder à une déclaration préalable pour bénéficier de tarifs préférentiels.
C’est l’UNISONO, formé de l’association SABAM et SIMIM, qui gère la gestion de tous les droits d’auteurs et droits voisins dans les entreprises.
Notez que le calcul sera différent lorsqu’une partie de l’entreprise (show-room, salle d’attente) fait l’objet d’une diffusion expresse de musique pour le public. Dans cette hypothèse, il faudra associer le calcul visé supra avec un calcul relatif à la superficie de l’entreprise où la musique est diffusée.
Vous ne diffusez pas de musique, mais souhaitez faire une fête pour votre personnel pour un départ, un anniversaire, …
Les droits sont dus !
Vous pouvez cependant solliciter une licence d’utilisation sur base annuelle qui vous permet d’obtenir un tarif préférentiel. Celle-ci n’est cependant pas obligatoire, car une licence pour chaque événement peut être demandée, mais alors, vous ne bénéficierez pas du tarif préférentiel. Attention cependant que ces fêtes de personnel doivent rester à destination du personnel et de leurs proches (conjoints de membres du personnel et parents au premier degré) sans pouvoir être ouvertes de manière plus large au public. L’évènement doit aussi se tenir sur le site de l’entreprise.
En conclusion, que votre musique soit diffusée volontairement ou involontairement, par un membre du personnel qui écoute celle-ci dans son bureau, mais qui n’est pas le seul à l’entendre, en fonction du nombre d’équivalents temps plein composant votre entreprise, des droits de rémunération des auteurs et de paiement équitable des artistes-interprètes seront à payer. Il n’est dès lors pas inutile de sensibiliser les membres du personnel en fonction de la taille de votre entreprise si vous voulez éviter de mettre la main au portefeuille, les majorations en cas de non-déclaration étant souvent salées…