Comment mettre fin à une société ? (partie 2)

Droit de l'entreprise

Me François Frederick, avocat au barreau de Liège-Huy


Le présent article porte sur la dissolution judicaire ainsi que sur la faillite. Il fait partie d’un texte traitant de la fin des sociétés (la première partie traitait, quant à elle, de la  dissolution volontaire).

Dissolution judicaire (articles 2:73 CSA et 2:74 CSA)

Il s’agit, ici, d’une initiative « externe » (qui n’est pas prise par l’Assemblée Générale) de mettre la société en dissolution. Cette dissolution pourra intervenir :

  • soit pour cause de non-dépôt des comptes annuels (2:74 CSA) (a); 
  • soit en cas de justes motifs (2:73 CSA) (b).

a) La dissolution pour non-dépôt des comptes annuels 

Toute personne qui a un intérêt (par exemple un créancier ou un actionnaire) ou le Ministère Public pourra demander, au Tribunal de l’Entreprise, la dissolution d’une société si celle-ci n’a pas respecté son obligation de déposer ses  comptes annuels (l’action ne peut être introduite qu’après l’expiration d’un délai de 7 mois suivant la date de clôture de l’exercice comptable). 
La société aura cependant la possibilité de régulariser la situation en obtenant un délai de la part du Tribunal.
Il s’agit là d’un outil redoutable puisque le défaut de dépôt d’un seul compte annuel peut mener à la dissolution d’une société. Bon nombre de créanciers pourraient utiliser cette disposition pour mettre la pression sur une société débitrice.

b) La dissolution en présence de justes motifs 

Un actionnaire ou un associé pourra solliciter la dissolution judiciaire de la société pour de justes motifs : par exemple, lorsqu’un associé manque gravement à ses obligations ou est dans l’impossibilité de poursuivre normalement la poursuite normale des affaires sociales ou lorsqu’il existe une mésentente grave entre les associés rendant impossible la poursuite normale des affaires.

L’action introduite le sera « comme en référé » et le Tribunal appréciera concrètement l’existence ou non de la mésentente grave, d’une situation de blocage ou de carences dans le chef d’un actionnaire.
Il se pourrait que la situation de blocage puisse être solutionnée par le départ d’un actionnaire. Cette analyse se fera alors par le Tribunal dans la cadre d’une action en retrait (pour autant que le ou les autres actionnaires souhaitent un maintien de la société) (article 2 :68 CSA) ou d’une action en exclusion (article 2 :63 CSA).

La faillite (Livre XX du Code de droit économique dit « CDE ») 

La mise en faillite d’une société peut être sollicitée par les actionnaires de la société ou par un tiers qui y verrait un intérêt, notamment un créancier ou par le Ministère Public. 

Pour qu’il y ait faillite, il faut que la société connaisse des difficultés financières qui permettent de considérer qu’elle est en état de cessation de paiement et en ébranlement des crédits (crédits dénoncés, plus la confiance des fournisseurs…)

Concrètement, cela veut dire que la société n’arrive plus à payer ses dettes. Elle aurait la possibilité de recourir à des procédures qui lui permettraient d’essayer de s’en sortir (par exemple une procédure de réorganisation judiciaire). Mais si elle n’utilise pas cette procédure ou échoue dans celle-ci, elle pourra alors être déclarée en faillite par le Tribunal de l’Entreprise du lieu du siège social de la société.

La faillite est parfois une solution pour mettre fin, rapidement, à une société et à moindres frais, dans la mesure où le coût des formalités est relativement peu élevé.

Soit la société fera elle-même un aveu de faillite (sur le site Regsol) en déposant toute une série de documents (notamment la liste des créanciers), soit un créancier ou le Ministère Public citera la société en faillite et le Tribunal de l’Entreprise examinera si les conditions de la faillite sont réunies (notamment la créance certaine dans le chef du créancier, l’impossibilité d’obtenir la paiement de la société).

Le curateur désigné réalisera les actifs de la société en vue de payer les créanciers et pourra, le cas échéant, entreprendre des actions contre les fondateurs ou les administrateurs de la société si des irrégularités sont constatées.

Ces procédures sont destinées à terminer une société et supposent donc la réalisations/valorisations des actifs en vue du désintéressement des créanciers puis des actionnaires (sauf dans le cas d’attributions en nature possibles après désintéressement des créanciers).

Dans tous les cas, il est nécessaire d’être conseillé avant de prendre la décision de mettre une société en faillite ou en dissolution, dans la mesure où une procédure bien spécifique devra être respectée et que l’état de dissolution ou de faillite entraînera des conséquences importantes (responsabilité éventuelle, conséquences fiscales et financières) vis-à-vis des administrateurs, actionnaires et associés.

De même, un créancier ne doit pas considérer une faillite ou une dissolution comme une fatalité. Il doit faire respecter ses droits dans le cadre de ces procédures et ne pas hésiter à prendre conseil auprès d’un avocat.