Nouvelle obligation des huissiers de justice pour les entreprises débiteurs : un pas important vers la prévention et la protection

Droit de l'entreprise

Article rédigé par Me Ludovic Marnette

 

Depuis la loi du 15 mai 2024, entrée en vigueur progressivement depuis octobre 2024, les huissiers de justice en Belgique doivent respecter de nouvelles obligations spécifiques lorsqu’ils interviennent auprès d’entreprises débiteurs en difficulté financière. 

Ces mesures, inscrites dans le Code judiciaire, visent à mieux protéger les entreprises fragilisées et à encourager la résolution amiable des dettes avant d’engager des procédures coercitives.

L’une des obligations majeures est la consultation obligatoire du Fichier Central des Avis (FCA) avant toute action de recouvrement judiciaire ou extrajudiciaire. Ce fichier recense notamment les avis de saisies antérieures, les procédures de médiation en cours ou encore les plans d’apurement déjà convenus avec l’entreprise. 

En s’assurant de la situation réelle de l’entreprise, l’huissier évite ainsi une multiplication de procédures parallèles, ce qui prévient l’aggravation des difficultés financières et le risque de faillite.

Les huissiers doivent également informer explicitement les entreprises débiteurs de la possibilité de recourir à des modes alternatifs de résolution des conflits, tels que la médiation et la conciliation (art. 519 §4 du Code judiciaire). Cette information est obligatoirement jointe sous forme de fiches claires aux actes signifiés par l’huissier, favorisant ainsi un dialogue constructif et l’adoption de solutions durables pour apurer la dette.

Un autre point crucial concerne l’« avis de contrôle de probabilité d’insolvabilité » (art. 1390 octies du Code judiciaire), que l’huissier doit rédiger et déposer au FCA en cas de menace sérieuse sur la continuité de l’activité de l’entreprise. Cet avis est notifié à la chambre des entreprises en difficulté, déclenchant un suivi judiciaire visant à protéger les intérêts des créanciers et de l’entreprise, dans une optique de prévention et de sauvegarde.

Par ailleurs, depuis le 1er octobre 2024, lorsque l’huissier octroie un plan de paiement à une entreprise débiteur, la procédure d’exécution forcée est suspendue. L’huissier est tenu de confirmer ce plan par écrit et doit adresser un rappel en cas de non-respect avant de reprendre tout recours. Cette suspension temporaire vise à offrir un délai de répit à l’entreprise, lui permettant de réorganiser ses finances et d’éviter la liquidation.

Enfin, la formation obligatoire des huissiers de justice en matière de communication et facilitation, entrée en vigueur au 1er janvier 2025, renforce leur rôle d’intermédiaire actif entre créanciers et entreprises débiteurs. Cette formation vise à améliorer la qualité du dialogue et à privilégier les solutions amiables, souvent plus efficaces pour préserver la pérennité des entreprises.

En somme, ces réformes récentes adaptent la procédure d’exécution forcée aux réalités économiques des entreprises et introduisent un cadre plus humain et équilibré dans la gestion du recouvrement des dettes. Elles permettent d’assurer une meilleure protection des entreprises débiteurs, qui ne sont désormais plus simplement des sujets de procédures, mais des acteurs accompagnés dans la gestion de leur surendettement.