Les modifications récentes de la réglementation des marchés publics

Droit de l'entreprise

Me Jean-Luc Teheux, avocat au Barreau de Liège-Huy

La loi du 18 mai 2022, publiée au Moniteur belge du 30 mai 2022, apporte un certain nombre de modifications aux deux lois du 17 juin 2016 relatives aux marchés publics et aux contrats de concession. Ces modifications sont les suivantes :

1.    Les motifs d’exclusion et les mesures correctrices (art. 4 à 7, 13 et 14 en vigueur le premier jour qui suit la publication de la loi modificative au Moniteur belge) 

  • La version française des articles 42, 67 et 69 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics précise désormais que c’est l’exclusion qui est facultative ou obligatoire, et non pas les motifs.
  • Suite à l’arrêt de la Cour de Justice C-124/17 du 24 octobre 2018 (Vossloh Laeis, affaire C-124/17), le législateur insère, dans l’article 69 de la loi Marchés Publics 2016, un  alinéa précisant que le point de départ du délai de trois ans pendant lequel un candidat ou soumissionnaire est exclu de participer aux marchés publics est calculé à compter de la date de la décision de l’autorité administrative ou judiciaire compétente. Le pouvoir adjudicateur peut toutefois prendre une décision d'exclusion avant l'intervention de la décision de l'autorité compétente, pour autant que toutes les conditions soient remplies, y compris la condition relative au calcul du délai de trois ans visé à l'alinéa 2.

    Seuls les comportements fautifs  à charge du candidat ou soumissionnaire et les motifs d’exclusion suivants sont concernés :
  • Article 69 al.1 1° : le candidat ou soumissionnaire a manqué à ses obligations applicables dans les domaines du droit environnemental, social et du travail.
  • Article 69 al.1 3° : le candidat ou le soumissionnaire a commis une faute professionnelle grave qui remet en cause son intégrité.
  • Article 69 al.1 4° : le candidat ou le soumissionnaire a commis des actes, conclu des conventions ou procédé à des ententes en vue de fausser la concurrence, au sens de l'⦁    article 5, alinéa 2.
  • Article 69 al.1 8° : le candidat ou le soumissionnaire s'est rendu gravement coupable de fausses déclarations en fournissant les renseignements exigés pour la vérification de l'absence de motifs d'exclusion ou la satisfaction des critères de sélection.
  • Article 69 al.1 9° : le candidat ou le soumissionnaire a entrepris d'influer indûment sur le processus décisionnel du pouvoir adjudicateur ou d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu lors de la procédure de passation, ou a fourni par négligence des informations trompeuses susceptibles d'avoir une influence déterminante sur les décisions d'exclusion, de sélection ou d'attribution.

    En ce qui concerne les autres motifs d’exclusion prévus par l’article 69 de la loi Marché Public de 2016, la période de trois ans démarre toujours à la date de l'évènement concerné ou en cas d'infraction continue, à partir de la fin de l'infraction.

    Une modification similaire est également prévue par le législateur dans l'article 52 de la loi du 17 juin 2016 relative aux contrats de concession.
     
  • L’article 70 de la loi Marché Public de 2016 est également modifié. Le  candidat ou le soumissionnaire qui se trouve dans une situation d’exclusion et qui entend joindre à son offre ou sa candidature les preuves de sa fiabilité ne doit désormais plus prouver d’initiative qu’il a versé ou entrepris de verser une indemnité en réparation de tout préjudice causé par l'infraction pénale ou la faute, clarifié totalement les faits et circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l'enquête et pris des mesures concrètes de nature technique et organisationnelle et en matière de personnel propres à prévenir une nouvelle infraction pénale ou une nouvelle faute.

    Le législateur de 2022 a également inséré deux paragraphes supplémentaires distinguant, selon qu’il s’agit de situations d’exclusion facultative ou obligatoire, les cas pour lesquels la preuve doit intervenir d’initiative.

    En vertu du nouveau paragraphe 2 de l’article 70 de la loi Marché Public de 2016, lorsque le candidat ou le soumissionnaire est dans une situation d’exclusion obligatoire (article 67 de la loi Marché Public de 2016), il signale d'initiative s'il a pris les mesures correctrices. Le pouvoir adjudicateur doit, en vertu du principe de transparence rappelé dans l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (C-387/19), préciser dans les documents du marché que le présent paragraphe est bien d'application.

    En vertu du nouveau paragraphe 3 de l’article 70 de la loi Marché Public de 2016, lorsque le pouvoir adjudicateur envisage d’invoquer un motif d’exclusion facultative, il donne au candidat ou au soumissionnaire au cours de la procédure de passation la possibilité de présenter les mesures correctrices qu’il a adoptées. Il en va de même si le candidat ou le soumissionnaire concerné n’a pas fait référence aux mesures correctrices dans son Document unique de marché européen.

    Le pendant de cette modification est inséré par le législateur de 2022 dans l'article 53 de la loi du 17 juin 2016 relative aux contrats de concession


2.    Les droits des tiers sur les créances (art. 8 et 15 en vigueur le dixième jour qui suit la publication de la loi modificative au Moniteur belge) 

Le législateur de 2022 a inséré un nouvel article 87/1 dans la loi Marchés Publics du 17 juin 2016 qui reproduit en fait l’article 43 de la loi précédente du 15 juin 2006 relative aux marchés publics. Selon l’exposé des motifs, cette réinsertion repose sur la volonté d’empêcher l’interruption intempestive des marchés publics par tout autre créancier de l’adjudicataire, non nécessaire à l’exécution matérielle ou au financement du marché concerné. Cette disposition assure en outre la continuité des paiements de l’adjudicataire, de ses sous-traitants, fournisseurs et bailleurs de fonds. Elle assure également la continuité des prestations et fournitures nécessaires à l’achèvement du marché public concerné (Exposé des motifs, Doc. Chambre, 2021/2022, 55 2496/001, p. 12.)

3.    Un Comité de la gouvernance des marchés publics et des concessions (art. 9 et 16 en vigueur le 31 décembre 2023)

L’article 163/1 prévoit désormais qu’un Comité de la gouvernance des marchés publics et des concessions sera institué. Ce Comité vise à assister le point de référence dans le cadre de l’élaboration du rapport triennal destiné à la Commission européenne comportant les résultats d'opérations de contrôle par sondage de l'application des règles relatives à la passation des marchés publics, rapport visé à l’article 163, § 3 de la loi marchés publics 2016. Ce comité est également chargé d’établir un plan indiquant les questions types, les documents justificatifs, les appréciations et les indicateurs quantitatifs qui seront utilisés pour étayer ce rapport de contrôle.

4.    La promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie (art. 2 et 3, 10-12, et 17 en vigueur le dixième jour de sa publication au Moniteur belge)

Le législateur de 2022 a inséré un nouvel article 168/1 qui oblige les adjudicateurs à tenir compte, lors de l’obtention par voie de marchés publics de certains véhicules, des incidences énergétiques et environnementales qu’ont ces véhicules tout au long de leur cycle de vie (C. DE KONINCK, Article 168/1 – Véhicules propres et économes en énergie – Loi 17 juin 2016 – Marchés publics, www.mercatus.be, juillet 2022).