La procédure de sonnette d’alarme permanente ?

Droit de l'entreprise

Me François Ligot, avocat au Barreau de Liège-Huy

A l’occasion de l’entrée en vigueur du CSA, le législateur a maintenu la procédure dite de sonnette d’alarme à charge des administrateurs de sociétés. Cette procédure s’inscrit dans le cadre de l’obligation permanente de l’organe d’administration de suivre la situation financière de la société. L’objectif est d’inciter l’organe d’administration à prendre les mesures qui s’imposent  afin de remédier à toute situation de carence financière et, si nécessaire, à envisager la dissolution de la société. Par rapport à la procédure de sonnette d’alarme prévue sous l’ancien Code des Sociétés, les conditions d’application ont été adaptées et corrigées afin notamment de tenir compte de la disparition de la notion de capital social. 

La procédure de la sonnette d’alarme implique l’obligation pour les administrateurs d’une société de convoquer une assemblée générale dans les 2 mois suivant la constatation que l’état financier de la société se trouve dans un état critique tel que décrit ci-après. L’ordre du jour doit prévoir que l’assemblée générale devra se prononcer sur la dissolution de la société ou sur les mesures concrètes destinées à assurer la continuité de la société.
Si l’organe d’administration propose d’assurer la continuité de la société, il expose dans un rapport spécial les mesures qu’il propose pour ce faire.
Si ce rapport spécial fait défaut, la décision de l’assemblée générale est nulle.

Quand faut-il tirer la sonnette d’alarme ?

Le CSA prévoit des conditions d’application différentes pour le recours au principe de la sonnette d’alarme  en fonction de la forme de société.

Dans la SA, la procédure doit être activée lorsque l’actif net est réduit à un montant inférieur à la moitié du capital social.

S’agissant de la SRL ou de la SC, l’organe d’administration est obligé d’activer la procédure de la sonnette d’alarme lorsque le résultat de l’un des deux tests suivants est positif : 

  • l’actif net de la société risque de devenir ou est devenu négatif (il s’agit du test de bilan);
  • lorsque l’organe d’administration constate qu’il n’est plus certain que la société, selon les développements auxquels on peut raisonnablement s’attendre, sera en mesure de s’acquitter de ses dettes au fur et à mesure de leurs échéances pendant au moins les douze mois suivants (il s’agit du test de liquidité).

Dans la pratique, les tests sont réalisés lors de l’établissement des comptes annuels ou d’un éventuel état intermédiaire de l’actif et du passif. L’organe d’administration doit également procéder aux tests s’il peut raisonnablement déduire des circonstances que les tests risquent de donner un résultat positif. Par exemple, en cas d’échec commercial ou lorsqu’un débiteur important manque à ses obligations. Il y a donc une obligation pour l’organe d’administration de procéder aux tests si les circonstances de vie de la société l’imposent. 

Responsabilité de l’organe d’administration. 

Si l’organe d’administration n’active pas la procédure de la sonnette d’alarme alors que les conditions d’application sont remplies, le dommage subi par les tiers est présumé résulter de cette absence de convocation.  Il y a donc un renversement de la charge de la preuve. 

En cas de faillite, le non-respect de la procédure de sonnette d’alarme peut être considéré comme une faute grave susceptible d’entrainer la responsabilité de l’organe d’administration. 

En outre, le simple fait d’avoir convoqué l’assemblée générale ne permet pas automatiquement à l’organe d’administration de s’exonérer de toute responsabilité. En effet, s’il ressort du rapport spécial exposant les mesures qui doivent permettre à l’entreprise d’assurer sa continuité que ces mesures n’étaient pas suffisantes, la responsabilité de l’organe d’administration peut toute de même être engagée parce que la procédure de la sonnette d’alarme n’a pas été menée correctement.

L’organe d’administration aura toutefois la possibilité d’échapper à sa responsabilité s’il parvient à prouver que le dommage subi par les tiers ne résulte pas d’un manquement commis dans le cadre de la procédure de la sonnette d’alarme ou que le créancier était au courant de la situation précaire de l’entreprise mais qu’il a malgré tout continué à traiter avec elle. 

La responsabilité de l’organe d’administration pour absence de convocation de l’assemblée générale se prescrit par cinq ans à dater de l’expiration des deux mois dans lesquels l’assemblée générale aurait dû être convoquée. 

Les modifications apportées par le CSA à la procédure de sonnette d’alarme obligent in fine l’organe d’administration à juger en permanence de la viabilité de l’entreprise, au risque de voir sa responsabilité engagée. Cette obligation de vigilance est d’autant plus importante aujourd’hui eu égard aux difficultés économiques liées au COVID 19.