Covid 19 : télétravail et jours de congés

Droit de l'entreprise

Maîtres Rodrigue Capart et Romane Saintes, avocats au barreau de Liège

 

La propagation rapide du coronavirus a poussé le gouvernement belge à adopter des mesures drastiques. L’impact de ces mesures est  non négligeable sur le monde du travail, qui doit faire preuve d’adaptation. Comment envisager, dans ce contexte sans précédent, la question du télétravail et de l’éventuel arrêt des prestations de travail ? Focus.

 

Télétravail

En droit belge, la législation en matière de télétravail régulier se résume essentiellement à la convention collective de travail n°85 du 9 novembre 2005, qui instaure le principe du caractère volontaire du télétravail, tant pour le travailleur que l’employeur. La loi du 5 mars 2017 sur le travail faisable et maniable permet, quant à elle, au travailleur de solliciter du télétravail occasionnel, en cas de force majeure ou pour des raisons personnelles.

Aucun texte légal belge ne permet dès lors de contraindre un travailleur à exercer ses prestations par télétravail.

C’était sans compter sur l’arrivée de la menace nouvelle que nous connaissons, et de l’adoption de l’arrêté ministériel du 18 mars 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19, publié au Moniteur belge le jour même.

Cet arrêté précise que les dispositions de confinement ne sont pas applicables aux entreprises des secteurs cruciaux et aux services essentiels, listés à son annexe (institutions de soins, services de police, médias, pouvoirs législatifs et exécutifs, crèches, pharmacies, etc.).

Pour toutes les autres entreprises, qualifiées de « non essentielles », le télétravail est rendu obligatoire, sauf si les fonctions ne se prêtent pas au télétravail, auquel cas l’entreprise doit prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect des règles de distance. Les entreprises non essentielles qui sont dans l’impossibilité de respecter ces mesures doivent fermer.

 

Arrêt de travail

Qu’en est-il à présent du travailleur se trouvant dans l’impossibilité de travailler, ou ne désirant pas travailler, pour des raisons découlant de la crise actuelle ?

  • Le travailleur empêché de travailler pour cause de maladie
    En ce qui concerne le travailleur qui serait lui-même atteint du Covid-19, ce sont les règles ordinaires en matière d’incapacité qui s’appliquent (information immédiate de l’employeur, certificat médical, salaire garanti, etc.).

 

  • Le travailleur empêché de travailler pour cause de fermeture partielle ou complète de l’entreprise
    La matière du chômage temporaire (pour force majeure, d’une part, et pour cause économique, d’autre part) évolue d’heure en heure.
    Nous vous invitons à consulter à ce sujet les sites :

 

  • Autres travailleurs en arrêt
    Qu’en est-il enfin des travailleurs qui seraient empêchés de travailler pour d’autres raisons (travailleurs confinés, bloqués à l’étranger, etc.), ou simplement, qui ne désireraient plus travailler, pour s’occuper de leurs enfants ou par peur d’être contaminés ?

    Dans la première hypothèse, nous sommes face à un cas de force majeure, tel que visé à l’article 26 de la loi relative aux contrats de travail.

    Un événement de force majeure n’entraînera pas la rupture du contrat s’il n’est que temporaire, mais en suspendra l’exécution.

    Attention que la suspension des cours dans les écoles ne pourra pas être considérée comme un cas de force majeure, les écoles devant prévoir des garderies pour les élèves.

    A condition que le travailleur informe immédiatement son employeur de l’événement de force majeure, l’absence ne sera pas injustifiée, mais l’exécution du contrat de travail étant suspendue, le travailleur n’aura pas droit à sa rémunération.

    Quant au travailleur qui ne souhaite pas travailler, sans toutefois entrer dans une des situations pré-décrites (maladie, force majeure, chômage temporaire), il s’expose au risque d’être placé en absence injustifiée.

    Que l’on se trouve dans la première ou dans la seconde hypothèse, rien n’empêche les parties au contrat de travail de s’accorder pour transformer les jours d’absence en jours de congés annuels, pour que le travailleur retrouve le droit à sa rémunération. La démarche requiert l’accord des deux parties : l’employeur ne peut pas contraindre le travailleur à prendre ses vingt jours de congés légaux à ce moment.

    Qu’en est-il si cette option n’est plus possible, par exemple dans le cas où le travailleur aurait déjà épuisé tous ses jours de congés légaux, ou en cas de régime de vacances collectives mis en place dans l’entreprise ?

    Il reste, pour le travailleur qui ne souhaite momentanément pas travailler, la possibilité de solliciter des congés sans solde, afin d’éviter d’être placé en absence injustifiée.

    Le congé sans solde se présente comme une période au cours de laquelle les parties (employeur et travailleur) décident d’un commun accord de suspendre temporairement l’exécution du contrat de travail qui les lie, sans qu’il y ait maintien d’une quelconque rémunération.

    Pour ce qui est des modalités, en principe, le consentement oral de l'employeur est suffisant. Il est néanmoins conseillé de constater cet accord par écrit, reprenant idéalement certaines mentions (durée du congé, forme du congé, modalités de prolongation du congé, modalités de fin du congé).

    Les incidences pécuniaires du congé sans solde pour le travailleur ne sont pas anodines : ce type de congé n’est pas assimilé à du travail effectif pour le calcul de l’allocation de fin d’année, des jours de vacances annuelles, du pécule de vacances, des droits à des allocations de chômage, des droits à la pension et des droits à l’assurance obligatoire soins de santé.

    Le travailleur pourrait enfin avoir recours à des « congés pour raisons impérieuses ». Sont notamment considérées comme étant des raisons impérieuses : la maladie, l’accident ou l’hospitalisation d’une personne habitant avec le travailleur, les dommages aux biens, la comparution en justice, et toute autre raison acceptée par l’employeur. Contrairement aux congés sans solde, dont le nombre n’est pas limité, les congés pour raisons impérieuses ne pourront dépasser 10 jours par année. Ce congé n’est pas rémunéré, mais contrairement au congé sans solde, ces journées sont assimilées pour la sécurité sociale (allocations familiales, chômage, pension). Toutefois, la prise de jours de congé pour raisons impérieuses n'est pas assimilée pour le calcul des vacances de l'année suivante.

 

Face au Covid 19, les entreprises sont confrontées à diverses situations, qui appellent chacune des réponses différentes. Certaines entreprises se voient dans l’obligation de fermer leurs portes, ou diminuer fortement leurs activités, ce qui les oblige à avoir recours au chômage temporaire. Pour les entreprises qui continuent à fonctionner, le télétravail est rendu obligatoire pour autant qu’il s’y prête, sauf pour les secteurs dits « essentiels ». Face à la crise, les absences des travailleurs se multiplient pour diverses raisons légitimes, mais souvent non envisagées par la législation en vigueur. Face à ce flou législatif, la législation en matière de congés apporte des réponses intéressantes.