Les modifications du contrat de travail

Me Frédéric Henry, avocat au barreau de Liège

 

On le sait, le principe est que le contrat tienne lieu de loi entre les parties. Les obligations respectivement imposées aux parties par le contrat de travail ne sont toutefois pas totalement figées durant la vie du contrat.

Différents types de modifications sont susceptibles d’intervenir en cours de route de manière à répondre aux besoins de flexibilité des parties. Ces modifications peuvent résulter :

  • Soit d’un accord entre l’employeur et le travailleur;
  • Soit, dans certaines conditions, d’une décision unilatérale de l’employeur.

 

§ 1. Les modifications convenues

Lorsque les parties l’estiment nécessaire, elles peuvent modifier de commun accord les conditions du contrat de travail (par exemple, promotions de fonctions ou augmentations de salaire).

 

Cette modification peut être expressément convenue, soit directement entre les parties par le biais d’un avenant audit contrat, soit collectivement par l’intermédiaire d’une modification du règlement de travail ou d’une convention collective. La modification peut aussi résulter d’une acceptation tacite de la modification des conditions de travail par le ou les travailleurs. L’acceptation tacite de la modification par une partie peut ainsi être déduite de son absence de réaction prolongée face à une modification concrète et effective des conditions de travail.

 

Les parties ne disposent cependant pas d’une liberté absolue de modifier les conditions de travail en cours de contrat de travail. En effet, les modifications doivent respecter la hiérarchie des sources prévalant en droit social. La hiérarchie des sources dans les relations de travail entre employeurs et travailleurs impose en effet, lorsque deux normes ayant le même objet sont inconciliables entre elles, d'écarter la norme d'un rang inférieur au profit de la norme supérieure :

  1. La loi ;
  2. Les conventions collectives rendues obligatoires (entérinées par un arrêté royal) ;
  3. Les CCT non rendues obligatoires, lorsque l’employeur est signataire ou est affilié à une organisation signataire de ces conventions ;
  4. La convention individuelle écrite (le contrat de travail) ;
  5. La CCT conclue au sein d’un organe paritaire et non rendue obligatoire, lorsque l’employeur (non signataire ou non affilié à une organisation signataire), ressortit à l’organe paritaire au sein duquel la convention a été conclue ;
  6. Le règlement de travail ;
  7. La convention individuelle verbale ;
  8. L’usage.

 

§2. Les modifications unilatérales autorisées

Le contrat de travail présente une particularité par rapport aux autres contrats : l’employeur dispose d’un pouvoir de direction, de surveillance et de contrôle vis-à-vis du travailleur. En vertu de ce pouvoir, l’employeur a notamment le droit, dans certaines limites, de modifier unilatéralement les conditions de travail du travailleur. On appelle généralement ce droit le « ius variandi ».

Le ius variandi se définit essentiellement négativement. Il voit ainsi sa portée limitée par deux catégories d’éléments que l’employeur ne peut modifier unilatéralement : les éléments essentiels et les éléments accessoires « convenus » (c’est-à-dire ceux que les parties conviennent qu’elles ne pourront pas modifier par le biais d’une clause de modification). Si la modification de ces éléments est importante (par opposition à une modification limitée), ladite modification ne sera pas tolérée et donc susceptible d’entrainer un acte équipollent à rupture (voy. par ailleurs notre section consacrée à la problématique).

Un employeur ne peut donc modifier unilatéralement que des éléments accessoires pour autant qu’ils ne soient pas « convenus ».

Par opposition aux éléments accessoires, il est généralement admis que les éléments essentiels du contrat de travail sont ceux qui ont trait aux responsabilités et à la position hiérarchique qui sont liées à la fonction du travailleur, sa rémunération, son horaire, son lieu de travail, etc...

Parmi les exemples de conditions généralement accessoires, qui peuvent donc être modifiées unilatéralement par l’employeur, on peut en revanche citer la dénomination de la fonction, la localisation du bureau du travailleur dans le bâtiment de l’entreprise, la mise à disposition de certains outils de travail pour un usage purement professionnel, les heures de pause, etc.

La frontière entre les éléments essentiels et accessoires et entre les modifications qui sont importantes ou limitées est, en pratique, délicate à tracer. Une tendance jurisprudentielle récente opère à un contrôle de proportionnalité qui la conduit à mettre en balance les intérêts du travailleur avec ceux de l’employeur. Il en résulte qu’un employeur peut, dans certains cas, procéder unilatéralement à des modifications d’éléments essentiels du contrat de travail pour autant que lesdites modifications soient considérées comme minimes ou accessoires.

Une modification raisonnable du lieu de travail, si elle est imposée par les nécessités économiques de l’entreprise, est généralement acceptée. Toutefois ce changement de lieu de travail ne peut causer au travailleur un dommage sans commune mesure avec les nécessités de l’entreprise (balance des intérêts respectifs de l’employeur et de d’employé). Il a ainsi par exemple été jugé que le changement d’étage au sein du même bâtiment ne constitue pas une modification unilatérale importante du lieu de travail

Afin d’anticiper d’éventuelles difficultés de qualification, les parties sont enfin invitées à prévoir contractuellement dans leur contrat de travail diverses clauses de modification qui leur permettent d’adapter le contrat de travail au cours de son exécution (voy. par ailleurs notre section consacrée à la problématique de la dissolution du contrat par modification unilatérale des conditions de travail).

 

Septembre 2012